FaitE d eEcriT s

au Châte ade LPeYraDe

Pour la journée Faites des Ecrits, du 28 mai 2018

le Château de La Peyrade* invitait la Fabrikulture.

Rien n’est trop beau pour nous !

*Rond-Point Salvador Allende, 34110 Frontignan

 

Proposition d'écriture de Viviane

 

Vie et oeuvre d'un grain de muscat

Vie et œuvre d'un grain de Muscat

 

 

Fin Août, bientôt les vendanges, la famille se réjouissait d'avance, ce serait une excellente année pour le Muscat, les papilles en seraient exaltées!

 

La vigne était magnifique dans ce rouge-orangé qui la baignait au soleil rasant.

Cette chaude lumière ravivait sa splendeur en faisant scintiller les lourdes grappes de raisin, aux grains gorgés d'un nectar déjà sucré. Ce serait un cru exceptionnel...

 

Tout en haut de la colline, en bordure de vigne, un bon vieux cep étirait ses longs rameaux tordus au soleil finissant, la journée avait été radieuse, le calme était encore là, pour quelques jours, avant le bruit et les allées et venues entre les rangées et les feuillages du grand nombre de jambes, dos et bras, réquisitionnés comme chaque année pour la saison des vendanges.

Le vieux cep qui avait donné des quantités phénoménales de fruits savourait le silence présent, seule une petite brise chantante et frémissante troublait avec bonheur cet instant de paix. Ses grappes charnues ondulaient à peine. Chaque grain menait sa vie propre et palpitait. Chaque grain était une promesse de saveur. Relié à sa grappe il respirait avec les autres. Plus tard,  par l'alliance de leurs arômes respectifs, de leur sève, de leur sang, tous ensemble ils se mélangeraient, ils répandaient alors leur parfum unique pour créer un jus délicieux dont la teneur en sucre ferait tourner les têtes jusqu'à l'ivresse, ou jusqu'à l'extase. S'unir, c'était rejoindre l'humain et lui offrir l'accès possible, dans le partage avec ses pairs, à la magie, aux rêves éveillés, au mystique...

 

Ah...Quel beau destin, que celui d'un grain de Muscat ! 

 

 

 

Samy

 

Proposition d'écriture de Domi

 

ça part en vrilles !

 

Des photos prises par Dominique, elle-même, de magnifiques photos de vrilles, évidemment !

Des mots collectés  : 

 

Turgescence – hampe – gazouillis – renouveau – illuminer – camaïeux de verts – clair-obscur – lilas – vigne – noria 

 

 

Une nuit de noces qui part en vrille

 

Dans le clair-obscur de la chambre, Julien se glisse nu entre les draps de lin écru. Sous la porte de la salle de bain, un rai de lumière et le gazouillis de l’eau qu’il imagine baignant la peau de satin de sa Sylvie.

C’est leur nuit de noces. Ils ont déjà fait l’amour, dans de multiples lieux plus incongrus les uns que les autres. Les souvenirs arrivent à foison comme les godets d’une noria, en mouvement continuel : la première fois, dans le camaïeu de verts d’une vigne de printemps. La turgescence de la nature n’avait rien à envier à celle de son pénis si douloureux tant le désir était puissant ! Puis, en vrac, dans la voiture, dans le parc de l’évêché, à l’avant d’un semi-remorque, sur une plage de Bali…

Pour l’instant Julien peut encore patienter. L’eau de la douche coule encore…

Dommage qu’il ait laissé son portable en bas, il se serait bien fait une petite partie de belote coinchée. Pour passer le temps, il suit avec son doigt les méandres de leurs initiales entrelacées sur le revers du drap. C’est mamie Dominique qui leur a préparé le trousseau, elle a tout brodé du même chiffre, malgré sa vue basse. Il remarque avec tendresse les imperfections du point de croix qui souvent part en vrille.

Soudain un cri ! Julien bondit, se précipite dans la salle de bain. Sylvie est accrochée, comme une vrille à la tige d’un cep, à la structure métallique qui supporte le rideau, les genoux relevés jusqu’au menton.

Dans le bac à douche une multitude de cafards s’échappent de la bonde.

 

Attente

 

Mauve, lilas, vert. Elle ne savait plus. Les couleurs l’assaillaient. Ses paupières vrillaient. Pas d’autre mot. Ca partait en vrille. D’une touche de lumière qui, ce matin, frappait à la porte de ses yeux.

Noria attendait. Dans le coin ombragé de la terrasse. Elle attendait le renouveau qu’on lui promettait pour bientôt. La sortie du clair-obscur. Ils en étaient sûrs. Pas elle.

Elle s’empiffrait de hampe de cheval dégoulinante d’un sang neuf. On lui avait dit : ‘c’est plein d’énergie. »

Elle s’empiffrait. A pleines dents. Avec l’énergie du désespoir qui cherche dans la vigne une porte de sortie. Le vin. La vigne. L’articulation était féroce.

Elle s’empiffrait. De vin aussi. De rouge incandescent quand la nuit descend sur les vignes.

Elle s’empiffrait. Elle attendait ce putain de renouveau promis qui tardait à arriver.

A coup sûr, il s’était perdu. Elle haïssait cet enchevêtrement de chemins de campagne qui tissait sa toile autour de sa vigne ; ça les éloignait. Tous. Ils se perdaient. Disparaissaient. Corps et âmes. Plus de nouvelle de personne depuis des années. Même pas un petit gazouillis e temps en temps.

Alors, ce matin, quand elle avait ouvert les yeux sur cette profusion de lumière et de couleurs, elle avait su. Il était là. Il était arrivé durant la nuit. Avait coloré la terre d’un mauve profond. Avait étendu sur les plantes un camaïeu de verts à nulle autre pareil.

Et voilà que les turgescences maléfiques se déployaient en silence.

Elle voulait rêver. Chasser l’horreur à grands coups de paupières. Mais rien n’y faisait. Ses paupières vrillaient. Il en avait pris le contrôle.

Bientôt les tendres filaments verts se rapprocheraient, encercleraient le coin reculé de la terrasse. Elle savait que toute résistance serait inutile. Ils étendraient seconde après seconde leur toile flamboyante autour d’elle.

Elle avait attendu… il était là. Bien différent de ce qu’elle avait imaginé. Elle sentait sur elle les filaments se poser, s’agripper, s’ancrer en elle, leurs griffes dans sa chair se planter.

Elle devenait pilier. Elle l’avait tant attendu ce pilier qui aurait dû l’aider à avancer. Elle devenait pilier pour qu’il puisse avancer.

 

Valérie

 

 

Mais, enlève-la cette feuille de vigne, il pleut, tu vas t’enrhumer. Et puis, je veux te contempler allongé là nu dans ce camaïeu de verts. Tu es si désirable dans ce clair-obscur. Est-ce mon regard sur toi qui cause cette turgescence ?  Oh, elle rosit ta hampe quand je la flatte, elle frémit, elle gazouille et vrille sous mes caresses. Ce rose illumine ton ventre jusque tes joues pourpres, faisant ressortir tes yeux, les plus lilas du monde. Ne les clos pas, amour, unissons-nous là entre les ceps, sur la terre meuble et dure du renouveau, du commencement perpétuel, faisons tourner ma noria, chantons des musiques.

 

Domi

Proposition d'écriture de Mô

 

La vie de château

 

Dans un récit unique, évoquer la vie de château en se pliant aux différentes contraintes ci-dessous.

 

  1. Douze paragraphes. Chacun commençant par une lettre de l’expression :

V. I. E. D. E .C. H. A. T. E. A. U

 

  1. S’inspirer d'une photo de Malo*.

 

  1. 7 mots à introduire, ordre facultatif

Couronne – oubliette – étiquette – Balthazar – catapulte – sceptre – boulet

 

  1. Penser à glisser :
  • Une ou plusieurs allitérations (répétitions d’un même son consonantique)

Exemple : « Y a pas d'hélice hélas, c'est là qu'est l'os. » La Grande Vadrouille.

  • Une ou plusieurs images originales (évitez les clichés)

Exemples d’images littéraires :

 

Son rire comme une pluie fraîche : comparaison                   

Son rire de pluie fraîche : métaphore

 

Métaphore filée :

Mais Paris est un véritable océan. Jetez-y la sonde, vous n’en connaîtrez jamais la profondeur. Parcourez-le, décrivez-le ! Quelque soin que vous mettiez à le parcourir, à le décrire ; quelque nombreux et intéressés que soient les explorateurs de cette mer, il s’y rencontrera toujours un lieu vierge, un antre inconnu, des fleurs, des perles, des monstres, quelque chose d’inouï, oublié par les plongeurs littéraires. (Le Père Goriot, Balzac)

 

*

*Photographe freelance et directeur artistique.

Sa précédente série, La Vie ordinaire d’un homme invisible, avait marqué les esprits. Dans une demeure bourgeoise que l’on situerait volontiers dans les années 50, le photographe développait sa vision du personnage inventé par H.G. Wells en 1897. Dans l’intimité de la maison, le public devenait partie intégrante de la vie de l’homme invisible, répondant au souhait de Malo de rendre actif le spectateur face à ses œuvres. Ces photographies tissaient la trame d’une histoire fictive sur fond de couleurs éclatantes et grain très net.

Vie de château, sa nouvelle série, poursuit dans la même veine surréaliste. Cette fois, les héros de la narration sont deux châtelains désinvoltes aux visages de félins. Tels deux prédateurs en goguette, ils séduisent une jeune fille candide avant que l’introduction de nouveaux personnages ne change le cours de cette histoire. Comme s’il s’agissait d’un photoreportage, le public suit les personnages oniriques et anthropomorphes au fil de leurs déambulations.

Interrogeant le voyeurisme ambiant, le rôle du spectateur et les codes sociaux, Malo nous interpelle par ses photographies ludiques et décalées. De quoi prouver définitivement qu’un selfie ne remplacera jamais un vrai photographe.

Voulez-vous que je vous dise : c’est moi Balthazar, je suis un vieux mais vigoureux lion amateur de femmes. Elles viennent pour visiter mes jardins, je leur fais visiter mon château.

Il me les faut, n’importe où, jeunes et fraiches avec ou sans titre, avec ou sans atours, mais libertines,

Excitantes et envoûtantes. Mais toi je t’aime, je te veux pour toujours, viens jusqu’à mon lit royal.

 

 

Dedans ma couche m’amie, ma minette, viens que je te dévête. Je ne te ferai de griefs que ceux que tu aimes. Que ton corps sublime réclame. Allons, pas d’étiquette entre nous et fais-moi rugir de plaisir.

Étire tes jambes ma sylphide, ma reine, prends mes reins en étau, mais tout doux, ma belle, je suis lion mais ma chair est tendre comme ton cœur.

 

 

Caresse ma croupe, colle-toi contre mon torse royal. Demain nous nous marions et sur le trône tu seras ceinte de ma couronne.

Habillé de rouge et couvert de mes insignes royaux, je t’attendrai en haut de l’escalier sous le lustre d’or et de cristal monumental.

Avant ces cérémonies, en attendant demain, accroche-toi à ma rampe d’or, érigée raide, lisse et douce pour toi pour toujours.

Tu n’as qu’à paraître pour me catapulter au septième ciel. Le ciel du bonheur éternel.

Excuse mon emphase, ma mignonne, et regarde mon sceptre, touche-le, roarrr !

Arrime-toi à moi, baisons libres comme des fous. Aux oubliettes mes soucis de roi ! Demain comme des boulets, ils se rappelleront à moi.

Viviane

Soûlographie

 

Vivre ou survivre. Cet espace m’étouffe. Dans ces grandes pièces, mon corps rétrécit, mon esprit s’étrique. Pourquoi ne m’a-t-il pas mis dans une oubliette ? Il y en a tant dans ce château.

Il est là. Je lui tourne le dos. Allongée sur ce lit soyeux, de satin vêtue, sensuelle, je ne le vois pas. Mais il est là. Le spectre de l’homme se reflète dans le grand miroir.

Est-il vraiment homme ? Son visage comme une insulte à la nature, est bestial.

De quel monde sort-il ? Catapulté dans le mien, si doux autrefois. J’ai froid. La cheminée est fermée. Plus de feu. Je n’ose bouger, recroquevillée à la merci de ses crocs.

Et quelle est cette odeur : elle vient de cette couronne mortuaire posée sur le meuble près du lit.

Chaque jour, elle pourrit un peu plus, pastiche ou prévision de mon trépas.

Habitation de malheur, ou nulle étiquette n’est respectée.

Ah ! Mon cri résonne dans les couloirs vides de vie. L’écho le répète : mais personne pour l’entendre.

Tout est fermé. Je traîne mon boulet de solitude dans la chambre.

Es-tu là ? Toi, mon bourreau, mon homme fait ours.

Avant, nous étions si bien dans ce château. Je t’aimais Balthazar.

Une nuit, tu as oublié que j’avais été ta princesse, ton ange, celle à qui tu avais juré fidélité et amour jusqu’à la mort. Ou plutôt, jusqu’à ce que la mort nous sépare, selon la formule ! Aurais-je des obsèques ? Préviendras tu ma famille, mes amis… ou me dévoreras tu réellement, mais pas des yeux comme avant.

 

Sylvie

 

Voilà le temps venu de couronner d’oubliettes l’étiquette serrée du protocole.

Ils sont en retard. Se pressent de s’apprêter tant que l’espoir d’une rencontre féconde leur sert de catapulte.

Encore quelques secondes à trainer ce boulet métallique accroché aux basques de leur vie.

Depuis le temps qu’ils en rêvaient de ce moment exceptionnel de la présentation à Balthazar. Des années qu’ils l’ont préparée, des mois qu’ils ont cherché à l’approcher, des dizaines d’amis sollicités.

Et l’invitation était arrivée. Un beau carton décoré de la couronne et des armoiries de la famille des Hauts du Trajet sinueux.

Ca les avait surpris au début. Tout le monde l’appelait Balthazar de la Tour vrillée… Ils pensaient bien que c’était un sobriquet mais ils n’auraient jamais imaginé un tel nom.

Haut du Trajet sinueux. Ils avaient cherché la signification, l’origine de ce nom. N’avaient pas trouvé. Un lien peut-être avec l’interminable route en épingles à cheveux qui menait au manoir. Mais ils trouvaient l’explication trop prosaïque.

Après tout, peu importait. Ils étaient là. Dans une chambre du manoir à s’apprêter pour le grand dîner. Le spectre d’une vie passée à côté du château s’éloignait peu à peu. Elle laissait place à une peur insidieuse, minuscule insecte au début qui grandissait peu à peu dans le creux de leur ventre et venait nouer leurs gorges serrées.

Tout semblait pourtant parfait. Sa robe noire achetée pour l’occasion, son smoking surmonté d’un si beau cigare. Ils avaient fière allure. Du moins le pensaient-ils seuls dans leur chambre à chercher le moindre détail qui trahirait leur condition.

Et puis, voilà que le valet de chambre frappait à la porte. Il avait pour mission de les escorter auprès de sa majesté Sir Balthazar des Hauts du Trajet sinueux.

Absorbé par la découverte des lieux, ils l’ont suivi en silence. Leurs yeux enregistraient le moindre détail, les tentures surannées, les fenêtres démesurées, les carreaux si bien cirés qu’on aurait pu jouer à y glisser. Leurs yeux écarquillés ne perdaient rien du spectacle grandiose qui se déroulait sur le long parcours qui les menait à la salle à manger.

Une dernière porte. Ils purent y rentrer. Une salle vaste comme trois fois leur appartement. Sur les murs, des portraits de tous les parents, grands-parents et autres méritants. Un parquet ciré de frais. Une table interminable. Une vaisselle fine décorée de dorures fines. Des couverts étincelants.
Ils n’en revenaient pas. Tout ce luxe devant leurs yeux.
Enfin, ils allaient vivre leur moment de célébrité en compagnie de Balthazar des Hauts du Trajet sinueux. Levant les yeux vers le bord de la salle, ils découvrirent les autres invités. Etonnées, ils reconnurent leur boucher, le boulanger du village d’à-côté, le jardinier une fleur de cerisier à son revers, le médecin, leur voisin. Moment de stupéfaction… Sourires gênés. Ils ne savaient pas que dire. Le valet de chambre les en aurait empêché.      
Un bruit de pas. Silence dans la salle. On annonçait Balthazar des Hauts du Trajet sinueux. Il entra. En grandes pompes.         
D’un geste circulaire et autoritaire, il leur intima l’ordre de s’approcher de la table.    
« Comme chaque année, commença-t-il, je tiens à honorer de mon mieux les habitants de cette localité qui me permet de vivre une vie somptueuse. Je vous offre donc ce fabuleux repas pour que vous viviez un peu de cette vie que vous ne pouvez pas connaître.      
Je vous invite à vous asseoir. »

 

Valérie

Proposition d'écriture d'Any

 

L'ivresse dans tous ses états

 

Une feuille pour chacun.

Sur la feuille on dessine un soleil, avec autant de rayons que de participants.

En son centre : Ivresse de...

Sur un rayon une phrase en résonnance

La feuille tourne, les phrases s'inscrivent...

 

Quand on récupère son soleil, on écrit un texte ayant pour titre le coeur du soleil, seul ou en équipe, en s'inspirant des rayons.

L’ivresse des sommets

 

M - J’ai oublié le nom de cette femme alpiniste qui est devenue une légende…

N - Tu veux parler de Françoise Verdun ? Celle qui a réalisé son rêve d’enfant en défiant l’Anapurna ?

M - Oui, mais à quel prix ! Elle a glissé ans une crevasse, les bras en croix, elle a volé comme un oiseau…

N - Puis elle s’est posée doucement sur un épais nid de neige…

M - On raconte qu’un génie l’a recueillie, qu’il a soigné son corps et son esprit ivre de sommets et d’aventures…

N - Sa famille, ses amis la pleuraient, la croyaient disparue à jamais…

M - C’est ça ! Mais un beau jour, elle a réapparu, le ventre rempli d’une promesse, un cadeau de son génie qui …

N - … lavait sans bouillir, plus blanc que blanc, plus blanc que la neige…

 

Nadine & Monique

 

 

Ivre de soi

 

Je suis l’Apollon du Belvédère, tous les jours, je me mets au coin de la rue de l’Horloge. Je fais tout pour plaire : du culturisme, obsédé par la beauté de mon corps, par mes muscles durs et tatoués. Le cul rebondi, je porte des leggings moulants noirs, et les filles fixent discrètement mes rondeurs, de face, ivres soudainement de plaisir, elles se cachent rougissantes derrières leurs falbalas, riant en silence, toutes émoustillées.   

Je suis ivre de cul. Mais elles ne le savent pas. Ces coquettes féminines me suivent parfois dans la rue. Alors, parfois, j’en invite une à boire un verre.

Quelquefois, tout se passe bien, et mon lit accueille cette inconnue.

Et puis, un jour je suis tombée sur une qui avait avalé un dictionnaire ! Moi qui ne sais même pas écrire ce mot, elle m’a saoulé de culture : me parlait de Baudelaire, un poète qui écrivait des trucs sur l’ivresse. « Enivrez-vous ». Je n’ai retenu que le titre. 

Moi, l’ivresse je la connais : celle qui me fracasse la tête le lendemain, celle qui me fait devenir le bel Apollon du Belvédère de la rue de l’Horloge, celle qui ne fait pas de moi un cul de jatte mais un homme, un vrai.

 

Sylvie

 

Beau de l’air du temps, merveille des merveilles, chaque matin me réveillant.

Beau de l’air du temps, Alice en son siècle, belles échappées, toujours ensoleillées.

Beau de l’air du temps, la prise qui lâche, le bien qui susurre à l’oreille d’Arthur. C’est ça, je te le dis, le bonheur du jour, la bonne humeur toujours et le sens inné de la métaphore filée.

Met ta fore dans ta valise, ça peut toujours servir quand la table de nuit chancèle et que le sel te monte au nez.

Il est temps alors, de brancher ton destin, de sortir de ta main les mousquetaires prisonniers.

La mousse que taire rend amère te tend les bras pour un voyage en solitaire.

Belle affaire que voilà.

Babiole en manque de cancrelat le dira à ton mari qu’au marché il t’a surpris. Même pas dans ta poche une lampe à pétrole. Mais le Troll sur ta cheminée s’en revient de loin. D’un pays où lutins et lutrins se partagent le temps. A parts égales.

Dans les galeries du temps qui pourrit chaque chose à moins que l’on ose, une petite surdose de bleu bonheur sur la palette du peintre.

C’est avec lui qu’il faut se mettre bien. Qu’il repeigne en couleurs douces les moments qui te laissent véhéments.

Tu mens ?

Tant pis…

Tu m’en mettras une petite éternité de cette poussière de teinte bleutée.

Valérie

FaitE d eEcriT s

au Châte aStony

Pour la journée Faites des Ecrits, du 7 mai 2017

le Château Stony* invitait la Fabrikulture.

 

*Route de Balaruc La Peyrade, Frontignan

Au programme :

Quatre ateliers d’écriture au choix sur le thème de l’ivresse

La coupe était pleine, la cruche était vide, la cuve était entartrée, la bouche était tapissée de fins tanins laissant des échardes, des feuilles de chêne mêlées aux pétales froissés de cistes. Ils étaient tous là. La fillette, Picolo – le plus petit – l’oncle Jéro, la tante Salma, Garance aux joues empourprées mais fraîches. La cave résonnait de tout le temps qui était nécessaire à transformer la vie en vie. La pourriture gagnait ses lettres de noblesse, les dépôts se faisaient cristaux diamantés dans la transparence des regards échangés. Il y a avait eu des éboulis de jus, des éclats de schiste, des coquillages broyés, depuis la nuit des temps. Pourtant le temps n’avait pas de prise sur ces gestes ancestraux. Toujours les mêmes cycles, toujours cette part de mystère qui s’évaporait pour rejoindre les anges.

Aujourd’hui une peur s’invite. Que restera-t-il de tout cela demain si l’Esprit de ce nectar disparait ?

Dominique

Proposition d'écriture : Les ceps fantastiques

 

Des photos de ceps sont distribuées. Il s'agit de faire de ces pieds de vignes des personnages aux pouvoirs fantastiques. 

 

A LA RECHERCHE DE LA VIE

La terre s’est fracturée, fissurée, disloquée. Les héros et les simples d’esprit se sont figés lorsque l’éclair thermonucléaire a dévasté la planète bleue. Ils vont tous à pas lents, le souffle court. Certains sans voix, d’autres en rampant cherchant à même les ornières calcinées quelques gouttes de sève pour survivre. Cela fait six générations qu’il en est ainsi. Kermès, né avec une peau épaisse de reptile, a le visage gracieux d’un enfant de son âge, les paupières griffées par les vents solaires, la narine-bouche minuscule qui lui permet d’aspirer l’air soufré de l’océan des Stony où, depuis six générations, sa famille cherche à retrouver la trace d’un savoir faire ancestral. Son esprit a hérité de toutes les intuitions qui ont fait de ses ancêtres les producteurs d’un nectar que même les Dieux n’ont jamais su produire. Il n’a pas d’eau, pas de soleil ni de terre pour faire vivre les siens. Mais l’espoir coule dans ses veines. Chaque matin, lorsque le ciel de cendre devient goudron, il gratte sa carapace craquelée, enlève quelques échardes purulentes et plonge son unique pied sous la croute dure du sol. Il sent alors, que sa volonté est suffisamment puissante, des filaments de lumière s’infiltrer dans les interstices des couches de scories, à la recherche de l’or de la cendre dont son grand-père lui a parlé autrefois.

- Essaie, efforce-toi d’ancrer ton corps dans le magma stérile.

- Mais grand-père, je suis bien trop petit et j’ai si soif que mon corps tout entier ressemble à une bûche déshydratée.

Le grand-père a répondu :

Sans relâche, essaie encore.

Kermès a décidé d’élire domicile ici, sur la colline de l’Amour et de n’en plus bouger. Immobile, il capte jour après jour les moindres fibres de joie du sol. A travers les gerçures de son corps offert aux cataclysmes il absorbe les pluies d’étoiles filantes et se laisse caresser par la soie des comètes du cosmos. On le dit fou. Et plus on le dit fou, plus il sent son dessein solide.

- Grand-père, je sais que quelque chose est là, tout près de nous. Ça ne tient pas entre mes mains rêches, ça coule mais pas comme le sable, c’est frais, c’est fluide.

- Montre-moi ça Kermès avait dit grand-père.

- Impossible, je dois rester ainsi, mon corps enfermé dans cette gangue, car si j’en sors, ce sera comme si je gaspillais la vie. Il a ajouté :

- Fais-moi confiance, je vais dire à tous mes copains de faire comme moi. Un jour à venir nous serons tous ensemble, alignés, calés sur le même calendrier et de nos moignons flétris jailliront des feuilles vertes, des grappes juteuses dont se nourriront les survivants. Nous sauverons le monde.

 

Dominique

 

En chanson …

Ah ! le petit muscat qu’on boit à la Peyrade, sans faire une ruade et sans aucun tracas !

Et puis de temps en temps un p’tit air de cornemuse surgit, alors on s’amuse et l’on boit du muscat, du grenache, sans ennui du côté de Stony.

 

Platero des vignes

 

Soleil d’hiver couché sur le flanc

Argenté, argentique, plateresque

Un œil vers la terre

Un rêve du Sud

Il vient donner à la terre

Il vient rêver dans la vigne

Il chante la richesse et la joie

La lumière autour sera plus vive

Il braie ou chante

Selon votre oreille

Couché sur le flanc

 La terre lui donne

Un pouvoir magique

Qui le fait se dresser

Comme la garance il a tout son sang dans les pieds

Il a comme une chevelure

Blonde ou rousse suivant la saison

Il s’est couché sur le sol

Et de la terre sont nés les fruits

 Il teint les collines de la Moure de pourpre

Un petit poireau des vignes

Il ne les aime pas

Ce sera pour le passant

Un petit chardon Marie

Il l’aime et le croque gentiment

Il recrache une épine

Elle ira nourrir la terre

Si l’ametlièr fleurit

Il donnera des fruits

Et il reste là sommeillant

Couché sur le flanc

Un pétale de ciste

Est tombé sur son front.

 

   Hélène

Bib Muscat-sec

 

- Et hop-là ! Hop-là ! Youpi !

J’étais dans la vigne bio du château de Stony à déraciner des poireaux quand j’ai entendu sa petite voix pour la première fois.

Au premier abord j’ai cru qu’il s’agissait d’un des deux garçons Nodet que j’avais aperçu jouant à l’ombre de la grande bâtisse. Mais la voix me semblait toute proche, à deux ou trois ceps de moi.

Je me penchai et je le vis. Minuscule, tout menu, tout vert. Ses deux petites menottes serraient le fil de fer tendu entre les pieds de vigne. Vous me croirez si vous le voulez mais je l’ai vu faire et un et deux et trois soleils. Son corps longiligne tournait autour du fil avec plus de ressorts qu’un matelas Dunlopillo.

J’étais sidérée. Je me penchai un peu plus pour le dévisager. Comment une voix si forte pouvait sortir d’une bouche si petite, pas plus grande qu’un chas d’aiguille.

Alors que mes yeux étaient à 5cm de lui, il cessa ses cabrioles et me souhaita la bienvenue d’une manière tout à fait courtoise.

Je bredouillais et me présentais :

- Bonjour, je m’appelle Monique Nicque.

Il pinça alors ses lèvres très fort et n’y tenant plus partit en un retentissant éclat de rire qui s’en alla ricocher sur une citerne vide de la Mobil pour me revenir considérablement amplifié. L’écho résonnait encore considérablement dans ma tête quand le petit bonhomme vert me demanda si j’étais sérieuse.

- Mais absolument, mon nom est bien Monique Nicque comme d’autres s’appellent  Caunes ou Toulemonde…

- Eh bien Monique Nicque, bonjour ! Moi je suis Bib Muscat-sec et ne m’en veux pas si je ne te serre pas la main !

Ce fut à mon tour de ma lâcher. Je riais de cette rencontre, je riais de son nom cocasse, de riais de ses facéties…

Nous sommes très vite devenus copains comme cochons.

Il me raconta son peuple né des vrilles de la vigne. En regardant bien, je ne vis pas un cep qui ne fut une habitation. Vous aussi vous pourrez les voir en vous promenant dans le vignoble. Ils sont d’un vert tendre qui contraste avec le bois noueux.

Il sauta sur l’index que je lui tendis. Ses petits doigts, comme ceux d’un enfant, s’agrippèrent et, comme j’avançais dans la rangée, il me présenta chacun des siens par son nom. Il y avait Garance des Collines, Lentisque de la Moure, Ametlier d’Oc, Fioretti et tous les autres dont j’ai oublié le nom. Mais celle que je n’oublierai jamais ce fut Fleur de Muscat qu’il venait d’épouser et dont le ventre était déjà rebondi comme si elle avait avale tout rond un grain de raisin.

Ils m’offrirent un verre et puis un autre et avant de me laisser partir ils me firent promettre d’être la marraine de leur rejeton.

 

Lumière d’automne

 

Lumière d’automne, c’est son nom.

Au milieu d’une vigne, je l’ai rencontré.

Ses ailes déployées aux belles couleurs d’automne.

Prêt à prendre son envol, il n’arrive pas à décoller.

Il tire sur ses racines, pousse, crie, appelle au secours.

Rien n’y fait, il reste empêtré dans la terre.

Tel un pauvre malheureux, il me regarde, les yeux tristes.

Triste d’être emprisonné, attaché, lié à la terre, au point de ne pouvoir s’en arracher.

Lui qui est fait pour voler, traverser les mers et les océans, vivre d’aventure.

Le cygne aux ailes d’automne, dans un dernier sursaut, essaie une fois encore.

Il pleure, gémit, demande de l’aide autour de lui.

Les autres le regardent, d’un air moqueur.

Pour qui te prends-tu ? Semble t’il lui dire.

Le cygne « Lumière d’automne » est désespéré, il ne peut se résoudre à rester cloué dans ce champ de vigne.

Ce n’est pas sa vie, il est fait pour la liberté.

Sinon, à quoi serviraient ses ailes ?

Soudain, il cesse de s’apitoyer sur son sort, d’un élan vigoureux arrache ses racines.

Et le voilà qui s’envole, fier et majestueux, ses ailes couleur d’automne l’emportent vers la liberté.

Plus rien à présent ne pourra l’arrêter.

 

Françoise

 

 

 

Les ceps fantastiques

 

Les ceps fantastiques

Se dressent fièrement

Résistent au vent violent

Les ceps fantastiques.

 

Les ceps fantastiques

Chargés de grappes mûres

Nourrissent les peuples fous

De leur nectar sucré.

 

Hortus, chant de prière

Molosse au cœur de pierre

Mélie, console et pleure

Florine la douce enfant perdue.

 

Françoise

 

 

 

 

 

Proposition d'écriture : Photos Rallye

 

Des photos diverses circulent dans le groupe. A chaque photo, un temps d'écriture et l'histoire s'écrit.

Pour pimenter le tout quelques expressions toute faites sur le thème de l'ivresse.

  • Etre bourré comme un coing : être complètement ivre
  • Etre givré comme un sapin de Noël : être complètement ivre.
  • Se graisser le toboggan : boire copieusement.
  • Se goudronner le vestibule : s’enivrer copieusement.
  • Etre pinté comme un archange : être un franc buveur
  • Avoir des godasses à bascule : être ivre et tituber.
  • Etre beurré comme une biscotte : être complètement ivre ...

     

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  • Mais où sont tes godasses ?

     

     

    Papa, comme tous les dimanches matins cire toutes les chaussures de la famille. Il les aligne, des plus claires au plus foncées, sur du papier journal pour ne plus salir le parquet que maman cire tous les samedis. Il faut dire que régulièrement il goudronnait le vestibule en traînant des pieds avec ses godasses et maman en avait marre de nettoyer derrière lui en plus du fait qu’il nous donnait pas le bon exemple. « Le goudron, ça part pas comme ça, elle gueulait, et les mioches font comme toi maintenant, regarde. » Cirer nos chaussures, il a que trouvé ça pour se faire pardonner les saletés et surtout, je crois, c’est le prétexte qu’il a trouvé pour pas nous accompagner à la messe. Maman est pas dupe, elle le connaît papa. Dès que nous partons, même s’il a pas fini de les faire briller, il met ses godasses à bascule. Il les a fait faire sur mesure en chevreau verjus, qu’il dit, avec son argent de départ à la retraite. Elles basculent drôlement bien, et fort ! Il veut jamais nous les prêter pour nous balancer. Jean a dit l’autre jour : « t’es vache papa. » Il a répondu en ricanant : « non, c’est du chevreau. » Bref, il se promène. Où ? Ben dans les vignes du Château Stony. Si, si. Tous les dimanches matin, puis il rentre pour déjeuner, plus ou moins en retard, en basculant plutôt plus que moins, puis il tombe le nez dans l’assiette de soupe.

     

    Aujourd’hui, dimanche, papa, comme d’habitude, s’installe parterre avec les boîtes de cirage, les brosses et les chaussures à cirer. Dès que nous avons le dos tourné, il enfile ses godasses à bascule et s’en va directement au château Stony. Il se promène dans les vignes, caressent les ceps, farfouille entre les feuilles qu’il soulève et caresse les grappes qu’il soupèse. Eté comme hiver, et quel que soit leur état. Pourquoi ? Il cherche des bouteilles, de rouge, de blanc, de rosé, des bouteilles de vin qui ont poussé là toute prêtes à boire. Monsieur et Madame Château Stony le laissent faire, même s’il lui arrive de gueuler en titubant dans les rangées : « Allez, montr’-toi la bouteille, je sais qu’ t’es là. Arrête d’ te cacher d’ ton vinophile préféré. » Et juste à ce moment, une bouteille timide sort son nez rouge des feuilles qui tremblent, puis une autre, puis une autre. Il hurle de joie, il y en a tellement, ses bras sont si chargés, il est obligé de les poser sur le sol. Puis il remarque que chaque piquet est surmonté d’une bouteille. Mais quelle récolte ! Quelle abondance ! il dit. Il avait donc raison, mon papa, quand il leur disait au bistrot que ça existe, que y a qu’à se baisser pour les ramasser. De l’église, nous l’entendons brailler de joie : « Chouet’, j’vas enfin pouvoir m’goudronner l’vestibule ! » Plus il boit plus les bouteilles s’avancent, se donnent à voir et à boire, toujours plus gouleyantes, toujours plus caressantes, remplissant son vide dont nous ne saurons jamais rien (ça c’est une poésie que j’ai écrit longtemps après). Et il titube, il zigzague dans la caillasse, dans la terre sèche sans jamais lâcher le goulot. Et l’or rouge (il l’appelle comme ça, le vin rouge) le traverse jusqu’au bout de ses godasses à bascule qui commencent à rouler à tanguer doucement puis de plus en plus fort jusqu’à l’envoyer, comme une fusée, au-dessus de l’église. Et il retombe mon père, il arrive direct sur le dos du bedeau et tous les deux s’écrasent au milieu des tombes du cimetière dans un fracas de pots de fleurs, de seaux en ferraille et de branches.

    Ils se relèvent, se reconnaissent, se tapent dans le dos puis vont, bras dessus bras dessous par les chemins qu’ils trouvent très tortueux : « T’as les mêmes godasses que moi, dit mon père à Jules. » Au bout du chemin, la buvette au départ du Tour de Montbled 2016. Riri, Jojo, Mimi et André s’impatientent devant des verres et des bouteilles vides. « Qu’est-ce qu’on prend, demande papa.

    - Non, c’est trop tard, c’est l’heure de la course. »

    Juju et papa enfourchent tant mal que mal un vélo qui traînait là, l’un sur l’autre et s’en vont pédaler des quatre pieds et guider le guidon de leurs quatre mains. Heureusement ça descend. Ils s’avisent qu’ils sont seuls et qu’ils n’ont pas entendu le signal, le coup de revolver. Tant pis, ils pédalent. Ils la connaissent bien ce chemin : « Hé, c’est not’ pent’, à nous le maillot jaune !» Ils rient à gorge déployée. « Mais elle est plus raide, hein ! Qu’e’q’ tu penses, Juju ? On fonce trop, ralentis donc. » Juju ne pense rien et tous deux se concentrent, si fort qu’une accélération inattendue les envoie dans le décor, un décor qu’ils aiment : un bon gros vieux cep.

    Plus tard dans la soirée, une battue s’organise. Tout le village est présent. On allume les torches, les chiens sont de sortie, les sifflets aussi. L’inquiétude est palpable, la rigolade aussi. On boit pas mal à Montbled. Au fond, c’est une sortie et chez nous, y a tellement rien à faire qu’on a le talent de faire une fête du moindre événement. Maman, elle… elle rigole pas, pas du tout. A une heure du matin, deux petit yeux brillants attient le maire qui est en avant vers un gros cep de vigne : un petit lapin surpris. A côté, les ronflements de Jules et de papa qui se concurrencent. On les éclaire, ils sont étendus pieds nus et couverts de croûtes et de poussières. Ma mère, fend la foule, se poste devant les deux et, les mains sur les hanches, s’écrie : « Mais où sont tes godasses ? »

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    Viviane

     

  • Bénissez le vin.

     

    « L’archange a sifflé le vin de la messe » dit le curé avant de commencer. « Que le coupable se dénonce ». Silence dans la nef. On entend que le couinement des chaises dures.

    A la messe du dimanche, on rigole, surtout le premier rang. Y’a une fidèle avec son grand chapeau de communion. Nous, on se cache juste derrière pour rire aux anges.

    On sait que le curé est cycliste. Il fait son grand tour du lac chaque dimanche matin. Il y répète son sermon la tête sur le guidon et active ses pédales en rythme. Il se dit : « Qu’il serait temps de déboucher le beaujolais nouveau dans la sacristie. Si le bedeau s’en occupe, il sera encore bouchonné. L’aérer un peu avant la communion, le verser dans la coupe, donc être en avance. ». Alors, il active le tour du dimanche matin, pressé de préparer son vin. Puis il prend un petit apéro, un rituel avant de dire la messe à 11 heures.

    Nous, on rigole, on dit : « le curé s’est trompé ? Il a bu le vin de la messe ! »

    Le curé abrège les prémices et se précipite sur le sermon. Il dérape. Il s’embrouille.

    « Mes biens chères soeurs, mes biens chers frères, arrêtez vos querelles. Fraternisez-vous. Cueillez le sportif de la treille et cultivez le jus. L’heure de la retraite a sonné. Qui a pris mon vin ? Nom de Dieu ! ».

    Celle au grand chapeau chuchote au premier rang :

    « Ça fait chier, allez on s’en va ».

    Le curé l’entend. Il hurle excédé : « Vous êtes tous des menteurs. Que le plus grand menteur porte un maillot jaune ! ».

    On a beau dire au curé : « Monsieur le curé, famille, église c’est tout pareil. Vous dites menteurs, c’est un pléonasme, Monsieur le curé ».

    Mais le curé n’entend plus. Il gueule :

    « Les enfants ne parlent pas à table ».

    Il s’entête à nous faire communier. Il prend la coupe et la première hostie. Selon la méthode Coué, il positive la bouche du fidèle. Il y voit un calice où déposer un secret. Il oublie ainsi les langues pâteuses, blanches, verdâtres, trop rouges et les mauvaises haleines. Maintenant au catéchisme, il fait un cours de langue aux enfants. Inutile de la tirer trop fort, pas besoin de montrer la luette, détendez-la bien plate pour recueillir l’hostie. Ne mangez pas avant la communion et brossez-vous les dents.

    Tout en réfléchissant à ses bons conseils, le curé lève les yeux vers l’assemblée. Le premier rang est déjà vide. Tous les menteurs mettent les voiles. Ils ne peuvent contenir le secret. Le curé prend peur de tous ces départs. Il crie : « Prenez la coupe si vous voulez, mais ramenez les moi. Prenez aussi mon vélo ». Le curé continue son envolée lyrique dédiée au Beaujolais nouveau afin de retrouver ses brebis égarées.

    « Que les saints aux écoutilles me les ramènent, dépoussiérez vos placards, videz vos finettes et noyez vos âmes ».

    Que le métier de curé est donc difficile ! Un farceur avait mis de la menthe à l’eau dans sa coupe. Il a complètement déraillé.

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    Elisabeth Bonnet
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    C’était pas celui qu’on croit qui l’était
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    A 8h quand je suis arrivé, il n’y avait que quelques vieux qui buvaient leur café. Maintenant le bistrot était plein comme une salle d’attente sur un pic de grippe hivernale.

    De la terrasse du Talon à bascule faseyait la banderole d’arrivée du critérium.

    Le mistral favorable aux coureurs séchait les gosiers qui n’avaient déjà pas besoin de ça pour boire à tire-larigot.

    Kévin, le grand coin, comme on l’appelait ici – l’ajout d’un i délicat était tout à l’honneur des villageois qui bien que trouvant le personnage plutôt concon appréciait avant tout sa bonhomie – Kévin, donc, enchainait les Ricard avec une cadence qui continuait à surprendre tout le monde. Il était là depuis 10h du matin à attendre Madison, la bretonne. 5h à ruminer sa déception de ne pas voir rappliquer son amoureuse, celle qu’il avait rencontrée aux dernières vendanges.

    De toute évidence, elle lui avait posé un lapin.

    Les Ricard déliaient la langue du grand coin, d’habitude si discret. Il rabâchait. Chaque fois qu’un client nouveau se présentait, il avait droit au récit de plus en plus épique qui faisait de Madison une bacchante au torse nu, remplissant son biniou de grappes chaudes et dorées.

    Un haut-parleur égrenait les noms des sponsors et annonçait l’arrivée imminente des coureurs. La voix de Kévin se perdait d’autant plus dans ce brouhaha qu’il avait de plus en plus de mal à articuler.

    Soudain son visage se figea sur la table où s’empilaient les dessous de verre comme les jetons sur le tapis vert d’un joueur qui risquerait le tout pour le tout.

    De sa main gauche – la droite toujours cramponnée à un verre – il semblait attraper quelque chose et le reposer avec délicatesse sur la table voisine.

    Je quittais le comptoir en titubant pour aller voir ce qu’il bricolait.

    Dans l’indifférence générale, le grand coin saisissait entre le pouce et l’index des rats, par la queue, des rats bleus comme l’absinthe, bleus comme le maillot jaune du vainqueur que je voyais grimper tout trouble sur le podium à travers les vitres du bar.

    Quand je revins à moi, j’étais allongé à l’horizontale sur les épaules d’un mec qui zigzaguait entre des corps à la verticale. Des flonflons. Des vélos. Ah ! Le critérium. Je me cognais aux gens serrés sur le trottoir. Pardon. Pardon.

    C’est à peine si j’entendis corner tout près de mon oreille :

    - Alors Kévin, tu vas y arriver à le porter jusqu’à chez lui ou je te donne un coup de main ?

    Je lâchai un long jet aigre et incompressible sur le trottoir et perdis à nouveau connaissance.

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Proposition d'écriture : Jolies bouteilles

 

Des noms poétiques empruntés aux étiquettes des vins du Château Stony.

 

Calligramme de Dominique

                                                             

Fioretti

 

Médamas et signoré,

Yé soui très honorée de vous présentarer il vino Fioretti della mia propriéta.

Mi kiama Fioretta. Vous l’avez capito, yé soui la fille du propriétare de cé domaine. Ma madre a épousé le viticultoré de cette vendange.

Le vin, il vino, in véritas, est fabriqué avec des raisins couleur vert pâle de la marque – yé crois qu’on dit cépage – Sauvignon.

Les grappes sont coupées avec les dents. Attention, il faut se laver les dents à l’eau de la rosée du matin avant de couper les grappes.

Ensouite, lé raisin est foulé pieds nus dans la cuve. Attention, il faut se laver les pieds à l’eau de la rosée du matin en courant dans la prairie.

A la fin, tous les vendangeurs se frottent le corps avec les rafles des grappes. Attention, il faut se mettre tout nu. Ce ne sont qu’à ces conditions que le Fioretti sera bon.

A consommer frais, 12°, les nuits de pleine lune. Favorise la lactation, l’amoré et la bonne humeur.

 

Dominique

                                                                Fleur de muscat

 

 

Fleur de muscat

Grappes de vigne

Emprisonnées à 

Tout jamais dans un fût

Un fût après assemblage

De plusieurs baies bien parfumées

Bien à l’abri de la lumière, la bonde t’a

Enfermée. Mais illusoire, l’idée de te garder

Dans une cave bien aligné en AOC. La fougue qui te

Caractérise, fera sauter tous les bouchons. Après bâtonnage et

Centrifugation, ton cépage vigoureux et puissant, ira alimenter     Les Magnums de lumière et senteurs de la Méditerranée si chers à notre cœur. 

Nos palais réjouis par tes saveurs suaves et épicées éclateront de bonheur.   

 

Françoise

 

 

Cépage fleuri

 

Perché là-haut, tout près du ciel,

Cépage riche de soleil et de vent,

Hébergé par la colline parfumée

D’essences de la méditerranée.

Tu règnes par ta présence enveloppante,

Précédant les vendanges, des grains mûrs et dorés à point.

Aux couleurs de promesse d’un vin généreux et puissant,

Comme la vigne de nos contrées sait nous les donner.

 

Françoise

 

 

 

Le vigneron

 

Le vent d’autan ébouriffait la vigne où le vigneron tout à son labeur rêvait à la vie qu’il aurait aimé changer pour un conte, un conte de fée.

C’est un vigneron sec comme un cep, un cep de vigne râpeux et rugueux comme sa journée sous le ciel d’autan.

Le vent s’enfuyait d’un nuage à l’autre, le vent parfumait les ceps de vigne tendus vers le ciel pour mieux capturer les arômes clairs des fleurs éthérées, les arômes lourds des bourgeons renflés.

La lumière jetait sur les pins dressés des éclairs d’argent, des reflets cuivrés et le vigneron, d’un pas mesuré, allait et venait en rêvant du vin, du vin gouleyant qu’il allait créer, un pas après l’autre dans l’immensité des jours de toujours.

 

Violaine

 

 

L’ivresse des sommets

 

Il va toujours le nez en l’air, insouciant de toute contingence, sous le ciel sourcilleux des montagnes, dans sa conquête des cols, porté par les vents au sommet, la pierraille dégringolante aux descentes.

Il va sans se soucier d’autrui, dans son désir de liberté, dans le plaisir de la foulée rythmée par le courant de ses pensées sur leur ligne de fuite.

Il passe les ruisseaux, leurs murmures oniriques, bondit sur les rochers aux arêtes fatales, mâche la menthe sauvage et les baies de genièvre, se délivre du monde, fait corps avec les éléments, oublie jusqu’à sa vie.

Ivre d’air pur, son coeur bat la chamade puis ralentit, ses poumons brulants s’éteignent lentement, organes domptés par l’effort de la marche.

Alors seulement il avance d’un grand pas souple, le vide vient trouer tout son être pour mieux le remplir, comme en apesanteur il poursuit l’ascension et tout son visage se détend, ses yeux s’enlarment sous la bise puis se plissent dans la naissance d’un sourire, il change de dimension, côtoie les nuages, accompagne leur dérive par monts et par vaux vers l’ivresse des sommets.

 

Violaine

Lpir restaiT  à  venir

Il y a eu le repas et l'inévitable dégustations des produits du Château.  Il y a eu le soleil, le ciel bleu, le mistral qui soufflait fort et asséchait les gosiers. Il y avait les 100 ans de Dada. Non pas celui de la photo plus haut, Le dada des dadaïstes. 100 ans ça s'arrose forcément, d'où cette brochettes de portraits que n'aurait pas boudés Tzara et sa bande.

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