Ecrire au musée

Ecrire au Musée Paul Valéry avec Patricio Sanchez

S’inspirer du livre d’Annie Ernaux L’atelier noir. Ecrire un texte à partir des notions qu’elle évoque sur la facilité, la difficulté et la dangerosité de se dévoiler dans l’écriture d’une biographie ou autobiographie.

 

Ensuite choisir un tableau

 

J’ai flashé sur le tableau  Qu’est-ce qu’ils filment ? C’est une toile de François Boisrond qui représente un tournage de rue.

 

L’équipe technique est arrivée depuis plusieurs heures déjà. Tout est installé, ils sont prêts à tourner. Mais qu’est-ce qu’ils tournent ?

Devant la boutique d’une fleuriste, un jeune couple se tient enlacé. La jeune femme embrasse l’homme, ou bien lui chuchote à l’oreille des mots tendres, peut-être les deux

La caméra fait un gros plan sur eux. Quelle peut bien être l’histoire de ces amoureux ?

La fleuriste arrange un bouquet dans un vase placé sur la devanture. Des spectateurs entourent la scène.

De nombreux curieux sont intéressés par le tournage. Tous se posent la même question. Mais qu’est-ce qu’ils tournent ?

On peut penser que l’homme va offrir des fleurs à sa bien-aimée.

Lui, porte veston et nœud papillon, mocassins vernis.

Elle, une mini robe pas très adaptée à une cérémonie. Ils se sont peut-être mariés sans cérémonie, à la sauvette, sans prévenir personne.

Ses hauts talons semblent sophistiqués, elle aimerait se balader sur les grands boulevards de la vieille ville.

Seule en tenue légère, les badauds, l’équipe de tournage portent vestes et manteaux.

Les cheminées au loin, fument sur les toits des maisons, c’est déjà l’hiver.

Après lui avoir acheté un bouquet, il l’emmènera voir les boutiques aux vitrines éclairées.

Ils finiront la soirée au restaurant.

Françoise

Le mercredi 05 octobre 2022   

Atelier écriture au Musée Paul Valéry avec l'Expo Boisrond  

 

François Boisrond est un peintre français né le 24 mars 1959 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Il fait partie du mouvement français de la figuration libre. Il vit et travaille à Paris.

 

Tableau : La descente de croix    Bombe et acrylique

 

S'il faut inventer des choses qui n'existent pas, alors je me promène entre réalité et fiction.

Mais comment reconnaitre la frontière, elle est si éphémère parfois. Une ligne mince à l'horizon, pas toujours horizontale d'ailleurs. C'est un peu suivant ce qui se passe là-haut dans ma tête.

La peinture n'a pas de frontière, vite dit. On censure pour une toison féminine trop explicite à une époque, et on l'expose des années plus tard dans les plus grands musées.

Devant moi, La descente de la croix. Inutile de lire le titre de la toile, ça saute aux yeux. Est-ce une éducation excessive de la foi chrétienne ou le souvenir immédiat d'un tableau de Rubens.

Pourtant réalisé à la bombe, tel un tag sur le mur trop blanc de ce musée, c'est une évidence. La frontière sensorielle entre ce que mon oeil voit et ce que mon cœur ressent, n'existe plus.

Ils sont très modernes ces personnages : l'absence de détails vestimentaires, d'un lieu, laisse à penser que cette scène est encore d'actualité.

On crucifie toujours des hommes et des femmes sur des croix fictives, bien alignées pour des idéaux, etc.

Alors, la frontière, les frontières que le monde nous impose me reviennent en plein visage*.

Je n'ai qu'une envie, rester assise là, dans ce musée.

* En pleine gueule était ma première écriture.

Syl

Le chemin

 

 

 

Le peintre est un petit dieu qui réinvente le monde.

As-tu déjà vu des sous-bois aussi bleus que ceux qui bordent la route qui mène à Paris ?

François Boisrond les a voulus ainsi. 

Il a voulu aussi un ciel d’été constellé d’étoiles pour t'inviter à marcher.

Ce chemin rectiligne, désert, il te l’offre.

 

Désormais tu vas seul, écoutant le silence, aveuglé çà et là par des myriades de lucioles qui s'allument dans les futaies.

Tu marches guidée par ce point rouge qui obsessionnellement t’attire.

La route est longue, si longue que je n'ai pu te suivre.

Mes souliers sont usés. Mes pieds meurtris.

J'ai dû me reposer.

 

J'ai tiré ma révérence comme le peintre a tiré sous trait noir, horizontal au milieu du tableau.

Une frontière entre ruralité et urbanisme ?

Une opportunité pour moi et mes pieds douloureux. 

Un temps mort,

Histoire d’escamoter la distance infernale qui sépare la province de Paris.

 

Maintenant, je peux te rejoindre, toi, le marcheur, infatigable.

Je cale mes pas dans les tiens.

Nous levons nos regards.

Paris est là, au bout du chemin, ville vibrante de lumières.

Si les méandres de la Seine dessinent à leur tour une frontière

Le troupeau de ses ponts nous conduira jusqu’au point rouge, 

La tour Eiffel.


Cinéma et peinture ( Boisrond, Godard) Passion 

 

Depuis les frères Lumière

Peindre ou filmer y a-t-il une frontière ?

Mais encore mieux demain

Nous flasherons sur les humains

 

La femme dans un tableau

Elle est sensuelle, voire érotique

Mais dans un film, sa plastique

En mouvement ce sera encore plus beau

 

L’artiste sublimera la beauté

Et laissera de côté la médiocrité

La volupté sera à son paroxysme

Et même s’il ne s’agit pas de cubisme

 

Nous dirons que le cinéma est complémentaire

Que la peinture soit source de réflexion

Il ne s’agit pas d’être trop primaire

Mais bien d’une source d’inspiration.

 

RAB34

 

 

 

 

Il s’est laissé aller, apaisé

C’est à peine s’il a regardé sa couche.

Le bout du chemin s’est imposé,

Ses pieds ont contourné la souche.

 

Ses doigts légers ont battu l’air,

Plumes essoufflées, léger balancier,

Rideau ajouré étirant les paupières,

Les cils fatigués se sont voilés

 

Epuisés ses membres se détendent….

 

 

 
Le dormeur cerné (PIERRE Dubrunquez) huile sur toile, 2005

Hervé di Rosa

 

Temps éphémères

 

Pour prolonger le jour de l'ombre à la lumière qui enveloppe la sphère, les vagues éphémères s’élancent sans cesse, d'une douce ou violente écume, en quête de nouvelles fortunes, sous le regard attendri de vieilles lunes encore étourdies de ces mouvements incessants, parfois indolents, parfois turbulents mais toujours nourrissants à cette Terre tourneboulée, bien au-delà des marées, de cette Terre qui, chaque jour, s'illumine de grandes plages abandonnées ou surpeuplés.

Des ombres portées sur les tombes éclaboussées d'une lumière marine, les cris et les gestes de marins logés ainsi en nouvelles cabines, s'insinuent, se restituent, se reconstituent, aux reflets, changeant d'un soleil tournoyant et rayonnant.

Des plaintes, rires et encouragements au dur labeur de pêcheur montent de ces profondeurs invisibles, de ces hauteurs inaccessibles au commun des mortels mais tellement prévisibles au pêcheur, enclin à l'essentiel, serein au naturel qui s'éclabousse chaque jour de nouvelles pensées arc-en-ciel où arc-en-mer, mais salutaires, ondoyant de peur ou de joie aux reflets changeants et vibrants, d’un astre désabusé de ces mauvais raz-de-marée qui, sans cesse, malmènent l'humanité.

 

Alain Huet

 

 

Recueillir l'instant

 

(Max Leenhardt. Entre nous) 

 

Jour après jour, ils ont regardé, écouté, la promesse de l'autre vie.

Pendant 9 mois, son ventre, comme un œuf, s'est arrondi.

La peau s'est tendue.

Elle a brillé au soleil du Midi.

Sous les caresses, elle a frémi.

Au fusain, à l'huile, à l’eau, il a fait de délicats croquis

Pour fixer sur des toiles ces changements exquis.

Elle s'est prêtée au jeu.

Comme un cadeau au tout petit.

On a très tôt installé sa chambre, son berceau à col de cygne.

Aux murs, on a accroché sa genèse dans des cadres vernis.

Jour après jour, ils ont refait la lecture de ces moments précieux

Pour dilater le temps, ne rien oublier des jours enfuis.

Jusqu’à ce jour où l'œuf s'est rompu.

L’enfant est là, sous leurs yeux ébahis :

Chair rose et glaires blanches, cheveux blonds et regard bleu.

Une aquarelle bien vivante qui pousse son premier cri.

Déjà, il goûte au sein maternel.

Déjà le père croque la scène afin que rien, jamais, ne tombe dans l'oubli.

 

 

29/01/2022

 

Un déclencheur : Bleu

 

Où sont passés les bleus ?

 

La mouette rieuse erre, entre ciel et mer. Elle se souvient de l'énigme shakespearienne. « Où va le blanc, quand la neige fond ? » Un mélange de poésie et d’humour.

Mais aujourd'hui, la mouette rieuse, entre le gris du ciel et le gris de la mer, n’a pas l’esprit à rigoler.

Elle se demande, furieuse, où est passé le bleu ? Ou plusieurs exactement où sont passés les Bleus ? L'azuréen, le marine, l'indigo, l’opaline, le lavande, le turquoise… Que l’outremer manque à l'appel, elle trouve ça normal, la mouette boudeuse. Portée par le vent du sud, elle ferme les yeux. Elle l’imagine parti tout là-bas se recroqueviller pour la nuit, au cœur d'un coquillage nacré posé sur le sable blond, sur le bord du lagon. L'aube viendra le réveiller. Il jaillira, éclaboussera l'île et fera le bonheur des emblématiques paille en queue. Le rêve s'estompe. Le regard de la mouette replonge dans la grisaille.

Des Bleus à l'âme, elle s'approche des grandes baies vitrées du musée.

On dirait que le soleil s’y est réfugié. Le bec contre la vitre, elle regarde la lumière fragmentée. Là, un rayon fait miroiter le pont de Beppus, immortalisé par François Desnoyer. Les Bleus sont là. Dans les ruelles, dans l'eau, sur les coques des bateaux. Un autre rayon arrose le bain de minuit de Robert Combas, où, malgré l'heure tardive, le ciel et la rivière ont su conserver leur couleur essentielle.

La Mouette se tord le cou pour voir, dans l’angle, tout en haut de l’escalier, à l'écart, dans la pénombre, le portrait d'un homme. Georges Brassens ou Paul Valéry ? La Mouette comme Topolino hésite, mais qu'importe ! L'important, c'est le choix de l'artiste qui a privilégié le bleu. Ici Combas a rendu, au sujet, le décor de sa jeunesse.

Une porte s'ouvre.

La Mouette en profite pour se glisser dans le musée…

Un vol stationnaire devant la toile de Vincent Bioulès.

« À ce point pur, je monte et m’accoutume

Tout entouré de mon regard marin. »

Elle n'y voit que du bleu, la mouette. Même la cigarette et la fumée de Paul Valéry, même ses cheveux blancs et la voile au loin sont bleutés.

Alors, la Mouette ne fait ni une ni deux. Et ni vue ni connue, plonge dans le bleu.

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Ecrire au CRAC de Sète

La tempête I - 12 Février 2018

Invités par le Centre Régional d'Art Contemporain situé à Sète, nous avons suivi notre charmante guide qui, par ses questions pertinentes, nous a invités à trouver les rapports souvent cachés, selon nous, entre les œuvres et le thème.

Mais faut reconnaître qu'à part quelques spécimens, plutôt contemporains, les fabrikulteurs sont plutôt classiques !

Peu importe, nous avons apprécié la visite et nous avons réalisé un atelier d'écriture contemporaine sur le thème de la mer plutôt agitée.

 

Les artistes exposants :

 

Aballéa Martine Achour Boris Alberola Jean-MichelArdouvin Pierre Blazy Michel Boucher CarolineBoussiron Xavier Broodthaers Marcel Bruly-Bouabré Frédéric Burger Rodolphe Counsell Melanie Creten Johan Curlet François Figarella Dominique Flexner Roland Fournel Jacques François Michel Gordon Douglas Grasso Laurent Hippolyte Hentgen Hyber Fabrice Janssens Ann Véronica Jouve ValérieJulien Jacques Lamarche Bertrand Lévêque ClaudeMarcel Didier Mayaux Philippe Mercier MathieuMessager Annette Michel Ariane Miracle MarcelMoulène Jean-Luc Nottellet Olivier Othoniel Jean-Michel Paradeis Florence Perrin Philippe Pouvreau Paul Ramette Philippe Rullier Jean-Jacques Scurti Franck Séchas Alain Shaw Jim Sigurdsson Sigurdur Arni Tschiember Morgane Yan Pei-Ming

 

Proposition d'écriture 1


Ecrire une phrase paysage – tempête comme on en aurait écrit sur une carte postale. Capter les lumières, les bruits, les odeurs, un détail. Pas de majuscule, pas de point.

une image sans bord

                               Julien Gracq

                               mince lisière de maisons, qui tourne le dos à la terre, cet arc parfait rangé autour de grandes vagues et où l'on ne peut s'empêcher d'imaginer la mer forcément plus sonore – ce brouhaha oscillant des marées qui tantôt fait fourmiller la plage et tantôt la vide

                               Georges Perec

                les marshmallows, les Rock rocks (sucres d'orge décorés, spécialités des stations balnéaires), la plage grise, la mer froide, et les paysages de bocage, avec ses vieux ponts de pierre

                               Danielle Collobert

les premières maisons du port apparaissent en contrebas, et puis une large vue sur toute la baie, la ville entière

                               Dazaï Ozamu

devant le spectacle de la neige tombant en flocons légers et de la mer grisâtre aux lourdes ondulations, dont les vagues triangulaires se brisaient avec fracas sur le rivage comme du verre - tout cela sous des nuages noirs comme de l'encre et qui, de tout leur poids, semblaient écraser le paysage

                               Blaise Cendrars, Feuille de route

la Pallice et l'île de Ré sont posées sur l'eau et peintes

Minutieusement

Comme ces stores des petits bistrots bretons des environs de Montparnasse

 

 

Photos de Sylvie

 

Les textes


le ciel sombre aux nuages noirs comme de l’encre, les vagues déferlantes secouent le bateau en péril et viennent se briser sur la coque, au loin un phare

 

Françoise

 

vague d’une violence inattendue sape le château de sable ; fleurs de moules, arbres de varech, chemins de nacres regagnent, d’un coup, la mer rageuse qui écume et gronde et 

 

Mô 

 

fauteuil en cuir marron, personne, arbre arraché à sa terre nourricière, le craquement du bois qui finit sa course en écho dans le salon -  milliers de filaments figés par la tornade, il est assis enfin au repos

 

Sylvie

 

 


 

 

Pierre Ardouvin, La Tempête   2011

 

Dans l’exposition de Pierre Ardouvin, un arbre déraciné est installé sur un fauteuil noir. L’oeuvre a pour titre La tempête. Ce n’est pas celle de Shakespeare. C’est celle qui fait tomber les arbres, celle qui donne à Giuseppe Penone quelques-unes de ses sculptures, et notamment L’Arbre des Voyelles. Celle de Pierre Ardouvin fait intrusion dans une vie bourgeoise rangée, prend la place de l’homme ou de la femme sur le siège, y étend les jambes, jambages de consonnes. Son tronc sèche et craque. 

 

 

Deux cousins se retrouvent au musée

 

La scène se passe au CRAC de Sète, en France métropolitaine.

Au centre de la scène très éclairée : un fauteuil club sur lequel est posé un arbre sec.

De rares visiteurs déambulent autour de l’œuvre puis sortent… Puis d’autres…etc. Silence quasi religieux, rares murmures.

 

Personnages :

 

A.1. : arbre sec allongé sur le fauteuil.

A.2. : cousin de l’arbre.

F. : fauteuil club : s’exprime en aparté, dans une police différente.

 

A.2 (ému, se précipite vers A.1.)

A.1 (découvrant A.2) : Oh, Ma vieille branche ! Qu’est-ce que tu fais ici, au CRAC de Sète ? Je te croyais mort.

A.2 : Ben moi aussi, cousin. J’désespérais d’t’revoir. Ça fait quatre ans qu’on t’ cherche avec les copains. Partout. On a fait l’MOMA, l’cent’ Pompidou, à Beaubourg, l’PAC de Milan, la Modern Tate et j’sais plus quoi encore. Et j’te raconte pas les galères. Voyager d’ nuit pour pas s’faire repérer, s’faufiler dans les soutes à bagages quand les employés sont bien éméchés et tout et tout... Et pour y entrer dans les musées, hein ? Ni visiteur, parce que pas humain, mon cher, ni œuvre parce que pas accompagné par son créateur – rien, quoi. Et rien, ben tu rent’s pas. On rent’ pas dans les musées juste en disant : « j’ viens voir mon cousin qu’on nous a kidnappé dans not’ forêt. » Et pis d’ailleurs, i’s comprennent pas not’ langue.

F. : La mienne non plus. Personne ne s’inquiète pour moi ? J’étais bien dans mon salon avant qu’il me déménage ! Elle vient me reprendre quand ma propriétaire ?

A.1 : Et comment tu as fait aujourd’hui ?

A.2 : Ça fait trois jours qu’on attend l’occas’ pour rentrer dehors dans l’froid. Et c’ matin, arrive un camion bourré de pots d’ fleurs et de caisses d’ jeunes d’nos espèces pour décorer l’entrée du musée pa’c’ que y’a des grosses huiles qui viennent pour j’sais pas quoi, des histoires de mauvais temps et de tempête. Bon. Les belles plantes-nanas de l’entrée, girondes et tout, tellement excitées qu’elles vont voir des personnalités humaines, qu’elles m’ont pas vu m’faufiler au mi’yeu des aut’s. Tu captes ?

F. : Oh, la la ! J’espère qu’elle sera invitée aussi et qu’elle me ramènera à ma maison.

A.1 : Mais comment tu m’as trouvé, cousin ?

A.2 : J’les avais ben vus t’embarquer mais j’savais pas pour où. Nous, on a rencontré en janvier un vieux sapin d’Noël tout décati dans une poubelle à Berlin. On a sympathisé, et il a dit qu’à un feu rouge t’as eu l’ temps d’ ui crier du camion où c’qu’i’s t’embarquaient. Qu’ tu voulais qu’on t’ sauve, qu’ tu voulais pas mourir et tout. Tu parles Charles, on a vite rappliqué. Moi j’aurais jamais eu l’idée d’ venir ici si j’ savais pas que t’y étais. Comment qu’i’ s’appelle d’jà ?

A.1 : L’artiste ? Je ne sais pas… C’est écrit là, regarde.

A.2 : J’ peux pas lire.

A.1 : Tu veux dire que tu ne sais pas lire, oui.

A.2 : Oui, bon… Toi non plus d’ailleurs j’crois m’souv’nir.

A.1 : Bon, ça va, ça va. Merci d’être venu, mon cousin. Ça me fait chaud de l’écorce jusqu’à la moelle.

A.2 : Quand même, t’aurais pu m’prévenir, m’envoyer un p’tit mot. J’ l’ aura fait lire par un qui sait.

A.1 : Regarde-moi, regarde dans quel état je suis. Je n’ai plus une feuille. Comment veux-tu que j’écrive ? Sans compter que je ne sais pas écrire, non plus.

A.2 : C’est juste Auguste. Alors, qu’est-ce tu fous ici sur c’ fauteuil ? Qu’est-ce tu fais ? Je croyais qu’i’s t’avaient pris pour t’ met’ dan’ un jardin, moi. Au début j’étais un peu content pour toi, moi jusqu’à que les copains i’s racontent que tu allais dan’ un musée.

F. : Je vais vous le dire, moi, ce qu’il fout sur moi. Il m’écrase, il m’use, il m’abîme, il me détériore. Au secours, je craque ! 

A.1 : Bah, ils m’ont m’arraché comme des sauvages, arraché, déchiqueté toutes mes racines au point de faire tomber mes voisins ? Ils sont peut-être morts à l’heure qu’il est. Mes racines mises à nu, cassées, blessées… Regarde comme je suis sec. Ça fait crac de partout ! Ça a été une souffrance terrible. Puis ils m’ont écorcé vif en me jetant dans des camions, des bennes, j’en ai bavé ma sève et mes feuilles, tu sais… Et plus de sève, plus de vie. Tu les as vus. Ils parlaient de leur prochaine exposition - La Tempête ! Genre artistes. Je me demande pourquoi ils font une exposition sur la tempête. Il n’y a qu’à observer la nature et on la voit, on la sent, on l’entend, la tempête. Ils sont pires, plus dangereux, que la tempête, parce que eux, ils font ça pour se rendre intéressants et se faire du fric à nos dépens. Ils se fichent pas mal de la nature et de la tempête. Moi je n’appelle pas ça des artistes, vois-tu.

A.2 : Ouais, c’est juste Auguste. J’viens d’traverser trois salles et j’ai vu l’genre d’artistes. L’genre qui font n’importe quoi, que n’importe qui peut faire la même chose et qui disent qu’ c’est d’l’art. C’est des menteries. C’est pas honnête dire qu’ c’est d’l’art. J’ les entends les gens, heureusement que c’est gratuit la visite. Y en a qui pouffent qu’ c’est d’la merd’. Pas toi, non, c’ qu’i’s voient Au contraire, ceux-là i’ vous plaignent. D’aut’s qui haussent les épaules, d’aut’s encore qui disent qu’ c’est intéressant, magiquement beau, mais j’ crois qu’ c’est pour pas avoir l’air con… Enfin !... Mais pourquoi qu’i’s t’ont mis dans c’fauteuil ?

F. : Enfin une bonne question. Oui, pourquoi ?

A.1 : Oh, ça ! C’est moi, j’en pouvais plus d’être dressé depuis quatre ans dans les musées, les CRAC, les FRAC… Je suis tombé.

F. : Quoi ? Menteur, tu t’es affalé sur moi, tu as oublié ou quoi ?

A.1 : Je ne pouvais même pas prendre racine. Avec leurs sols en béton, pas moyen. Je me balançais, je me cognais contre un mur, contre l’autre, mes branches se cassaient. Regarde je suis tout effrité, tout contusionné de partout depuis mes racines jusqu’au bout de mes moignons. Et les employés râlaient que je ne tenais pas droit ! … Comment veulent-il que je tienne droit ?

A.2 : Sont cons ces artistes. J’aimerais les y voir moi, 10 mèt’s de haut sur un seul si fin pied ! … C’est vrai qu’ t’as perdu beaucoup de ton charme, cousin.

F. : Et moi donc, que plus personne ne me cire, ni même ne me dépoussière… Et ce foutu déchet qui se décompose sur moi sans vergogne ! Et les gens qui passent, vous croyez qu’ils me regardent ? Non, ils s’extasient, s’émeuvent devant ce pôôôvre arbre qu’on a arraché à son milieu. Et moi ? Moi, je ne le suis pas pôôôvre ? Arraché à mes milieux ? Je n’étais pas bien avant sur le dos de ma vache ? À me faire promener dans les prés, me faire dorer au soleil, me faire laver et rafraichir sous la pluie, la rosée ? Et me faire caresser par sa queue ou celles de ses copines, hein ? Et après, une fois que je me suis résigné à me faire assoir dessus, je n’étais pas bien ? Astiqué, dorloté, au chaud, malgré quelques pets et quelques coups de griffe, tout allait bien, j’étais tranquille.

A.1 : Ne me charrie pas, mon cousin. Et puis, à force de tituber de me balancer, d’osciller, gauche, droite, en rond... J’avais le tournis, mes branches qui me restaient s’entrechoquaient et se cassaient aux extrémités. Tiens regarde par terre… Puis un jour je suis tombé sur le fauteuil et là, je n’ai plus bougé. Cataleptique, j’étais.

F. : Tombé… tombé… Affalé, oui ! Cataleptique ! Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !

A.2 : Cata quoi ?

(A.1 et A.2 se regardent un temps silencieux pendant que F. marmonne)

F. : Si on m’avait demandé mon avis, moi, j’aurais dit non. Ce bois mort tellement mort qu’il n’a plus même un seul petit insecte… Ce pourri qui sort de je ne sais quelle forêt m’a griffé toute ma pleine fleur. J’en suis tout écorché, incrusté. Imprésentable. Plus personne ne voudra de moi dans son salon pas même ma vieille maîtresse, ni même sa fripouille de chat… Moi qui adore regarder la télé avec eux sur moi. Mais qu’est-ce qu’il lui a pris de laisser son fils m’embarquer ? Ah, ces mères qui adorent leurs fils ! Artiste, mon cuir, hein !

A.1 : Leptique. Leptique. Cataleptique… Enfin, et toi, mon cousin, comment avez-vous fait tous pour rester en forme depuis tout ce temps que vous périplez ?

A.2 : Ben avec les copains, dès qu’on voit une rivière, un lac ou même une piscine, on s’ baque pour nous réhydrater les racines. Parfois quand on voit une forêt, même un champ, suffit qu’i’ fasse humide, on s’incruste. Mais pas pour longtemps, sinon on peut pu sortir nos racines et not taf c’est de t’ retrouver, alors. Et pis, faut pas perd de temps, on se doutait que t’étais en danger loin d’ chez nous. Et ça y est, on t’a retrouvé, cousin. Quelle joie ! Mon pauv’ cousin… Qu’est c’ qu’ t’as enduré, hein ?

A.1 : Oui, mon cousin. Et tu sais quoi ? Monsieur l’Artiste qui passait par là s’est extasié (hautain) : « C’est exactement ce que je me tue à demander à ces incapables. Depuis quatre ans ! Et il a fallu que ce soit ici, dans ce trou absolument improbable, qu’ils comprennent enfin… Franchement, quel gâchis !... Et la tournée d’expositions qui se clôt ! » Et, tiens-toi bien, partout il dit que c’est une nouvelle forme d’art qu’il vient d’inventer – I.M.M.C Installation Mobile Modulable Cinétique.

A.2 : Mais quel culot ! Mais quelle honte ! Faut gueuler cousin ! Gueuler qu’ c’est toi qu’as tout fait ! Qu’ c’est toi l’artiste qu’a tout inventé !

F. : C’est vrai, là j’ai rien à dire, ils ont raison. C’est scandaleux.

A.1 : Et voilà. En plus, j’ai entendu que personne ne veut m’acheter.

F. : Encore heureux, il ne manquait plus que ça, qu’on expose cette bûche, et qu’il continue à me défoncer le cuir.

A.1 : Je suis sûr que je vais finir en bois de chauffe ou dans un BBQ… Mais toi, mon cousin, ils t’avaient marqué aussi. Comment tu leur as échappé ?

A.2 : Rappelle-toi comment qui f’sait froid. I’ s’est mis à tomber des mèt’s de neige. I’s avaient trop froid. I’s ont tout arrêté et pis i‘ sont partis. J’ai profité pour m’frotter le tronc avec mes feuilles et la croix est partie. Alors quand i’ sont rev’nus le lend’main, et ben, ils m’ont pas reconnu sans la croix et i’s ont pris un autre cousin à ma place. Et voilà comment j’ m’ai sauvé. Et l’aut’, ben on l’a sauvé aussi. On a profité qu’les mecs i’s bectaient pou’ l’ sortir de la benne. Il est là dehors, planqué avec les aut’s.

A.1 : C’est bien, c’est bien. Je suis heureux que tu t’en sois tiré sain et sauf.


A.2 : Mais toi aussi, cousin, tu vas t’en tirer sain et sauf. On va pas t’abandonner là aux mains d’ ces voyous. Avec les copains, c’ soir, on t’fait la belle et à nous la liberté, on file droit chez nous nous mettre au vert.

A.1 : Non, non, vous êtes gentils mais c’est trop tard pour moi, tu sais. Je suis moribond. Regarde, je suis tout sec de partout. Je serai complètement mort avant la fin de l’expo.

F. : Là, je ne peux pas nier, il est très lucide. Et moi, alors ? Si je ne l’ai plus sur moi… et que je suis tous esquinté, qu’est-ce qu’il va faire de moi, le grand couillon à sa mère ?... Non, non, pas la déchetterie ! Pitié !

A.2 : Mais t’es dur de la feuille ou quoi ? J’ te dis qu’ c’est bon. Et pis t’es pas mort pisque tu causes.

(A.2 se jette sur A.1.)

A.1 : Aïe tu es fou ou quoi ? Tu ne trouves pas que je souffre assez comme ça ?

F. : Qu’est-ce qu’il lui prend ? Il ne va pas, lui aussi… ?

A.2 : Tu vois bien qu’ t’es encore ben vivant, rgard’ y a même un peu d’ sève qui coule. Ce soir on t’embarque, on prend tous un bain dans les piscines du coin, pis on t’fait fortifier tes pauv’s racines dans un jardin. Pis après, dès qu’ t’es requinqué, roulez jeunesse, on r’tourne chez nous s’planter bien profond…

F. : Et moi... Personne ne se préoccupe de moi !

(A.2 enlace A.1 de ses branches bien feuillues en caressant au passage le fauteuil.)

A.1, A.2, F. (en chœur) : Mmmm… ! Encore ! Encore !

Fin

Viviane

 

Ça commence par la carte postale représentant un bateau en pleine mer,

surpris par la tempête.

Dans le tableau un personnage : la tempête.

Cela fascine et provoque des émotions,

évoque une tourmente intérieure, un conflit avec un proche.

Un autre tableau : une pluie arrose un champ.

Une autre œuvre parle du temps,

déverse du vinaigre goutte à goutte sur un bloc de granit.

La visite se poursuit sans averse, mais personne ne semble s’en soucier.

La pression atmosphérique se fait ressentir.

Une échelle, un crâne, un verre d’eau.

Le voyage.

Les prémisses d’un orage annoncé.

Les forces naturelles se déchaînent.

Des gouttes.

Dans la salle la tourmente est partout. 

Le feu.

La caravane qui brûle.

Pas de lumière.

L’obscurité tisse sa toile sur la maison.

Je reviens en enfance. Je suis dans un conte.

Le miroir ?

Alice ?

Et la peur.

Ça y est, c’est le développement de la vie.

Un homme par la force du vent s’élève.

Des vestes végétales.

C’est fascinant.

Restent les interrogations…

Krikri.

 

 

L’auberge

 

Tout à coup un vent sournois déloge les nuages ;  

Ils se forment, se déforment, ne font qu’un.

C’est alors que le ciel s’obscurcit.

Tombant sur la prairie inoffensive,

Tel un linceul il la recouvre.

La petite auberge n’aime pas la tempête.

Elle envoie des SOS à travers les carreaux.

Les murs ne laissent rien passer.

Le toit résiste avec dignité.

Les portes branlent mais ne cèdent.

La toile craque, se déchire, se déchaîne, s’empourpre dans la tourmente.

L’assaut final ne la foudroie.

C’est ainsi depuis des décennies.

Et si la prochaine tempête la foudroyait ?

Krikri

 

 

Dans la tourmente

 

Des bruits sourds en sont les prémices.

Il est là, il se rapproche, me menace, j’entends sa colère.

Il m’escorte.

Me provoque.

Tout à coup un éclair fulgurant zèbre le ciel.

Les battements de mon cœur se figent puis s’accélèrent.   

Le firmament ne maîtrise plus les nuages nébuleux.

Des grêlons cinglants s’abattent furieusement sur la terre encore tiède.

Je traverse le bois.

Les  arbres sous l’emprise de la violence vacillent et se dénudent.

Je suis dans la sphère tourmentée.

Le vent me fouette le visage, pénètre sous mes vêtements, l’insolent !

Le ciel s’abat sur mes épaules, il fait nuit.

Une force surnaturelle me pousse à vaincre les ténèbres.

Je suis invincible.

La fureur de la tempête me possède et pourtant

je déchaîne des forces insoupçonnables pour l’affronter.

Le chemin, à force de bourrasques, suinte, se crevasse.

Aucune bestiole ne s’entrevoit.

Le fracas du tonnerre les effraie.

Ils se terrent.

J’ai peur moi aussi.

J’enrage.

Les roulements s’éloignent.

La grêle se transforme en pluie fine,

Les couleurs envoûtantes de l'arc-en-ciel traverse le ciel.

J’arrive chez moi.

C’est une autre tempête que je vais devoir affronter.

Ma mère.

 

Krikri

 

Proposition d'écriture 2

Caviardages en une dizaine de vers libres

La Tempête - Hugo PRATT, Corto Maltese, ch 2​​​​​​​

Joseph Conrad, Typhon, 1903, trad. André Gide​​​​​​​

Marguerite Duras, La Vie tranquille, (Gallimard, 1944)

Victor Hugo, L’homme qui rit, 1869

Yvon Le Men, Le Jardin des tempêtes, Rougerie, 2000

Les textes

Yvon Le Men, Le jardin des tempêtes, Rougerie, 2000.

 

Balade l’enfant, balade en moi

Rivage, autre monde, île étrange

Squelettes intacts comme la mort attendue

Dans les herbes mélangées, sel blanc

Aucune pourriture, os fragiles, fins

C’est comme autrefois, appel amazonien

Vierges éternelles

 

Sylvie

 

La tempête – Hugo Pratt, Corto Maltese ch 2.

 

L’embarcation fragile et souple 

Constituée de troncs d’arbres 

Permettait aux deux coques de rester unies.

 

Violentes rafales, vagues têtues, se poursuivaient ;

Elles arrachaient des éclaboussures 

Qui s’envolaient, chargées d’humidité.

 

Le parfum intense des profondeurs 

Pénétrait les narines, les chargeait d’énergie vitale.

 

Des nuages, lourds de pluie,

Poussés par un vent du nord, en tourbillonnaient.

 

Ils s’amoncelaient, puis disparaissaient, mécontents.

 

Le grand océan manifestait sa présence.

 

Françoise

 

La Tempête - Hugo PRATT, Corto Maltese, ch 2

 

Tempête aux Fidji

 

embarcation fragile, souple,

troncs tressés de fibres ;

assauts rageurs des lames.

les coques unies partagent

les gifles du vent

arrachant l’écume

qui siffle et disparaît.

l’air chargé de parfums mord,

pénètre les poumons.

des nuages-plombs s’éloignent ;

des cirrus les poursuivent ;

en lutins,

ils disparaissent,

mécontents.

 

La tempête II - 14 mai

La tempête du 19 février s'est calmée et voici qu'elle renaît, un peu identique, un peu différente. Nous avons été conviés, nous y sommes allés, emmitouflés dans nos impers, groupés sous nos parapluies et nous l'avons bravée.

Nous n'avons peur de rien !

Une guide charmante nous l'a faite découvrir, cette fameuse tempête et à l'issue de la visite, nous nous sommes faits tout petits pour écrire dans un coin.

 

Proposition d'écriture 1

 

Ecriture contemporaine

 

L’histoire commence un jour de forte tempête. A l’instant T, un homme tombe d’un bateau, s’arrête en suspension et commente sa position inconfortable.

Pendant ce temps, dans une petite ville côtière, tout s’est arrêté.

Chacun tire un papier sur lequel est inscrit un habitant ou un animal de la ville en lien ou non avec le naufragé. 

 

Une femme dont le parapluie s’est retourné.

Un lycéen qui révise son bac.

Un homme qui n’a que 10€ pour prendre de l’essence.

L’ami du naufragé qui se demande comment il va pouvoir lui rembourser les 1000 € qu’il lui a prêtés.

Le chien du naufragé qui attend, sur le quai, son retour.

Une mère de famille rentre chez elle en voiture. Son mari l’a quittée définitivement.

De jeunes enfants attendent le retour de leur mère. Le père a  quitté le foyer définitivement.

Le naufragé.

Un pompier qui tente de bâcher un toit dont les tuiles s’envolent.

Le chef d’un restaurant de poissons qui n’a pas été livré.

Une mère de famille bloquée par le pont.

Un épicier qui compte sa maigre caisse.

Une femme de ménage qui repasse.

L’épouse infidèle du naufragé.

Un campeur qui ne peut retenir sa tente emportée  par le vent.

Christiane bloquée à Marseille. Son bateau de croisière ne peut prendre la mer. La tempête fait rage.

Un SDF assis par terre devant la boulangerie.

Un commerçant ambulant qui installe son stand sur la place du marché.

La bâche de la 2ch de Denis est arrachée par le vent sur le parking de Marie Blachère.

Un vendeur de barbecues.

Le goéland qui survole le bateau du naufragé.

Le capitaine du bateau du naufragé.

On écrit la préoccupation de son personnage enlisé dans son problème, tout en exprimant une envie intense de vivre. A l’instant T. [5 lignes max]

Les personnages se projettent dans l’avenir, se morfondent dans le passé, remettent en question leurs choix, redoutent leurs décisions. Tout cela sans jamais rien décider.

 

Proposition inspirée par la pièce de théâtre de Rasmus Lindberg (Suédois) : Plus vite que la lumière.2005

 

 

Les textes

 

Un vendeur de barbecues


« Bourrasques depuis deux jours ! Une ville morte avec ce temps ! Tu sais, si ça continue notre stock va nous rester sur les bras. Quand je pense que nous avions choisi le dernier modèle avec pare-soleil intégré. Va falloir solder. Et encore, faut-il que les touristes rappliquent, ils vont tous partir chez les sudistes. On aurait dû prendre le modèle d’intérieur. Et que fait Léo, il devait faire la fermeture. Encore sur sa barque à taquiner le poisson. »

Sylvie

 

L’épouse infidèle du naufragé.


« Allô ! Tu m’entends ?

Ça capte mal, foutue tempête. Allô

Ah ! C’est moi. Ça y est je crois, il est pas encore rentré, bah, à huit heure normalement… T’es là ?

C’est bon, j’te dis, ce sont les garde-côtes qui m’ont avertie. Perdu en mer.

...

Hein ? On sait pas où ! Comme il fait nuit, ils abandonnent les recherches.

...

Si je suis contente ? Et comment ! Ramène-toi !

...

Non, à la maison. On ne craint plus rien... »

Sylvie

 

Un lycéen qui révise son bac

 

« we are such stuff
as dream are made on, and our little life
is rounded with a sleep »  

 

 William Shakespeare, La Tempête, 1611
- MAMAN ! 

Sylvie

 

Un SDF assis par terre devant la boulangerie

 

Foutu temps ! Viens plus près, tout contre moi. T'es déjà tout trempe mon pauvre Vaurien. Tu pues. C'est pas ça qui va les encourager à nous donner quelques pièces. Regarde, le gobelet est à moitié plein de flotte. Ce soir ce sera régime. A moins qu'il ne reste du pain, ils nous en donneront peut-être. Tu trembles, Vaurien ? N'aie pas peur, c'est l'orage !

 

Un lycéen qui révise son bac

 

- La lumière clignote comme en discothèque. Pas pratique, ni pour lire ni pour écrire ! Bon, revenons à notre Platon. Alors, où j'en étais ? Ah oui ! Le mythe de la caverne.

Un  éclair. 

- 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8

Un grand coup de tonnerre.

L'orage se rapproche. 8km. Il doit être sur Frontignan. Alors revenons à la philo, pas sûr que Sète soit inondée et que le bac soit annulé. Vaut mieux réviser. Qu'est-ce qu'il dit le philosophe ? Que des hommes enchaînés, les yeux rivés sur le mur du fond d'une caverne pensent que les ombres qui s'y projettent appartiennent à la vraie vie. Mais non ! Faut qu'ils se retournent, la réalité, elle est à l'extérieur ! L'orage, c'est pas les lumières qui dessinent sur les murs de ma chambre, l'orage ; l'orage, il est dehors, la pluie, elle est dehors à dégouliner sur les SDF, à tremper leurs misérables cartons. La réalité c'est ce foutu bac que je dois passer demain et que je ne dois pas rater. Elle est là, la réalité ! Pas con ce Platon !

 

Proposition d'écriture 2

 

Les haïkus

 

Choisir une œuvre ou deux dans l’expo et traduire son émotion en un haïku*

* poème court de 3  lignes, en principe de 17 syllabes : 5 / 7 / 5

Poème évocateur qui vise à dire l’évanescence des choses (nature-émotion)

Comme à la Fabrikulture nous ne sommes pas à cheval sur les principes (pas plus que sur mon bidet) nous sommes libres de compter ou non les pieds.

 

 

Les textes


 

 

 

 

 

Le soleil de 10 cents

 

Déchire le voile cloqué -

 

Nuages d'argent

 

 

Les flammes dévore dans la nuit

 

la caravane blanche -

 

Où est la pluie ?

 

 

Sur le château assiégé

 

Les nuages se rassemblent.

 

Il pleut du sang.

 

 

Dans la chambre d'hôtel

 

Pistache-fraise, le lit

 

S'ennuie, la nuit.

 

 

Les cygnes de tulle

 

S'envolent dans les cintres -

 

Les guichets sont fermés.

 

 

Dans la brume du sous-bois,

 

Les anges déchus

 

Goûtent l'eau du lac.

 

 

 

Un grand merci à notre guide !

 

Il éclaire la tempête, 

 

L'oiso de fire

 

Au pattes de flamant.

 

 

 

 

 

 

Tel le lotus

 

Inébranlable sous la tempête

 

Le François reste

 

Sylvie

La tempête ne nous quitte pas - le 22 mai

Proposition d'écriture

A la manière de Jules Verne...

Ecrivons un poème ayant la forme d’un losange en jouant avec la métrique.

Libre à nous de choisir, le nombre de vers, le nombre de strophes.

C’est pas facile mais on a des bouées et on est courageux !

Tempête et calme

L'ombre
Suit 
Sombre 
Nuit ; 
Une 
Lune 
Brune 
Luit.

Tranquille
L'air pur 
Distille 
L'azur ; 
Le sage
Engage
Voyage 
Bien sûr !

L'atmosphère
De la fleur 
Régénère 
La senteur, 
S'incorpore, 
Evapore 
Pour l'aurore 
Son odeur.

Parfois la brise 
Des verts ormeaux 
Passe et se brise 
Aux doux rameaux ; 
Au fond de l'âme 
Qui le réclame 
C'est un dictame
Pour tous les maux !

Un point se déclare 
Loin de la maison, 
Devient une barre ; 
C'est une cloison ; 
Longue, noire, prompte, 
Plus rien ne la dompte, 
Elle grandit, monte, 
Couvre l'horizon.

L'obscurité s'avance
Et double sa noirceur ; 
Sa funeste apparence 
Prend et saisit le cœur !
Et tremblant il présage 
Que ce sombre nuage 
Renferme un gros orage 
Dans son énorme horreur.

Au ciel, il n'est plus d'étoiles 
Le nuage couvre tout 
De ses glaciales voiles ; 
Il est là, seul et debout. 
Le vent le pousse, l'excite, 
Son immensité s'irrite ; 
A voir son flanc qui s'agite, 
On comprend qu'il est à bout !

Il se replie et s'amoncelle, 
Resserre ses vastes haillons ; 
Contient à peine l'étincelle 
Qui l'ouvre de ses aquilons ; 
Le nuage enfin se dilate, 
S'entrouvre, se déchire, éclate, 
Comme d'une teinte écarlate 
Les flots de ses noirs tourbillons.

L'éclair jaillit ; lumière éblouissante 
Qui vous aveugle et vous brûle les yeux, 
Ne s'éteint pas, la sifflante tourmente 
Le fait briller, étinceler bien mieux ; 
Il vole ; en sa course muette et vive 
L'horrible vent le conduit et l'avive ;
L'éclair prompt, dans sa marche fugitive 
Par ses zigzags unit la terre aux cieux.

La foudre part soudain ; elle tempête, tonne 
Et l'air est tout rempli de ses longs roulements ; 
Dans le fond des échos, l'immense bruit bourdonne, 
Entoure, presse tout de ses cassants craquements. 
Elle triple d'efforts ; l'éclair comme la bombe, 
Se jette et rebondit sur le toit qui succombe, 
Et lé tonnerre éclate, et se répète, et tombe, 
Prolonge jusqu'aux cieux ses épouvantements.

Un peu plus loin, mais frémissant encore 
Dans le ciel noir l'orage se poursuit, 
Et de ses feux assombrit et colore 
L'obscurité de la sifflante nuit. 
Puis par instants des Aquilons la houle 
S'apaise un peu, le tonnerre s'écoule, 
Et puis se tait, et dans le lointain roule 
Comme un écho son roulement qui fuit ;

L'éclair aussi devient plus rare 
De loin en loin montre ses feux 
Ce n'est plus l'affreuse bagarre 
Où les vents combattaient entre eux ; 
Portant ailleurs sa sombre tête, 
L'horreur, l'éclat de la tempête 
De plus en plus tarde, s'arrête, 
Fuit enfin ses bruyants jeux.

Au ciel le dernier nuage 
Est balayé par le vent ; 
D'horizon ce grand orage 
A changé bien promptement ; 
On ne voit au loin dans l'ombre 
Qu'une épaisseur large, sombre, 
Qui s'enfuit, et noircit, ombre 
Tout dans son déplacement.

La nature est tranquille,
A perdu sa frayeur ; 
Elle est douce et docile
Et se refait le cœur ; 
Si le tonnerre gronde 
Et de sa voix profonde 
Là-bas trouble le monde, 
Ici l'on n'a plus peur.

Dans le ciel l'étoile 
D'un éclat plus pur 
Brille et se dévoile 
Au sein de l'azur ; 
La nuit dans la trêve, 
Qui reprend et rêve, 
Et qui se relève, 
N'a plus rien d'obscur.

La fraîche haleine 
Du doux zéphyr 
Qui se promène 
Comme un soupir, 
A la sourdine, 
La feuille incline, 
La pateline, 
Et fait plaisir.

La nature 
Est encor 
Bien plus pure, 
Et s'endort ; 
Dans l'ivresse 
La maîtresse, 
Ainsi presse 
Un lit d'or.

Toute aise, 
La fleur 
S'apaise ; 
Son cœur 
Tranquille
Distille 
L'utile 
Odeur.

Elle 
Fuit, 
Belle 
Nuit ; 
Une 
Lune 
Brune 
Luit.

Plus modestement... nos textes...

 

Sable

Blond.

Nuit.

Lune

Brille.

 

La mer

Étale,

S’échoue.

Nos pieds

Mouillés,

Écumés.

 

Clapotis

Silencieux.

Méduse irisée

Cherche peau

A chatouiller.

 

Puis la pluie,

Gouttelettes d’abord…

Un éclair foudroie

L’horizon agité.

L’eau où surfent

Les algues vertes,

Se déchaîne enfin !

 

Elle est là. Femme

Venue des embruns gris,

Néréide tourmentée,

Emmène les radeaux

Se fracasser sur les récifs.

 

L’obscurité est totale, noire.

On est là, goût de sel sur les lèvres

Sans bouger, on l’attend ancré sur nos pieds.

On entend le roulis rugissant près de nous,

Odeur d’iode imprégnée du parfum des sirènes,

Elle approche, rebondit, se noie et renaît

Encore plus grande, puissante, déesse tumultueuse.

Neptune la pousse, lui soulève ses eaux d’encre bleue.

Le tonnerre  hurle à ses oreilles : « Fracasse-toi ! ».

Les vents ramènent les cris des marins, des mousses noyés

Tombés de la hune de leur pauvre galion dérivant à jamais.

 

 

 

Elle est là. Prends-moi la main, ne lâche pas,

Je  te sens frémir, petite algue ondulante.

Nous allons l’affronter, ensemble.

Lorsqu’elle s’affaiblira en arrivant près du rivage

Elle ne sera plus la guerrière des mers

 

Elle viendra s’échouer à nos pieds

Pauvre enfant de Neptune

Ridicule rouleau d’eau

Nous effleurant à peine

Sous la lune revenue

 

Le ciel retrouvera ses étoiles

Les furies se seront tues.

Le phare balaiera ton visage

Calme et serein ;

Les galions couleront.

 

Tout est calme,

Plus pur aussi.

Nos peurs

Laissées sur le sable.

 

Rentrer

Se coucher

S’aimer

Rire

De celle

Qui n’est plus :

La vague.

 

Sylvie

 

 

 

Des vagues

Oh !

L’eau

Est

Là,

À

Mes

Pieds,

 

Étale.

Sans bruit,

Elle luit.

Le ciel

D’azur

Brille en

Miroir.

 

Quand soudain,

Sans raison,

Un remous

Nouveau-né

S’enhardit

Et me lèche

Les arpions.

 

D’autres aussitôt

Emboîtent son pas.

Et me voilà

Comme amputé

De mes deux pieds

Dans cette mer

Qui m’envahit.

 

Le ciel s’est assombri

Et colore la mer

D’une encre gris-souris.

L’horizon s’est noyé ;

On ne distingue plus

Qui est l’eau qui est l’air.

Neptune est en colère.

 

Une vague bientôt, cachée dessous les flots

En un geste sournois vient me faucher. L’effroi

De succomber, noyé, sans avoir dit adieu

À mes amours, à mes amis, à mes envies,

Me prive des réflexes qui pourraient me sauver

Et je ferme les yeux, me sachant condamné.

 

Mon corps dans le roulis,

Pauvre pantin passif,

Tour à tour, ou s’abime

Ou soudain resurgit

Tantôt vers les récifs

Et tantôt vers la plage.

La mort hésite encore.

 

Clément, Neptune,

Enfin, choisit

De me sauver.

Les flots s’apaisent,

Tombe le vent.

Perce le soleil.

Je suis vivant.

 

Une vague,

Dans sa main,

Me dépose

Sur la grève.

L’avocette,

A l’oreille,

Me murmure

Bienvenue !

 

Je ris.

La vie

Est là.

La mer,

Le ciel

Se fardent

En bleu.

 

C’est

Beau

Le

Ciel,

La

Mer,

La

Vie.

 

 

 

LA DANSE DES ALGUES

 

 

Sirène

Moulée d'algues

Debout parmi les vagues

Tu ordonnes à la mer

 

Soulève

Soulève-toi

Renverse Poséidon

Attache-le à l'horizon

 

Dansent les algues

La sirène est nue

Poséidon est aux nues

Il écume de rage il divague

 

Les furies arrivent

Le poussent le coulent

Il va à la dérive

Il se meurt sous la houle

 

Neptune incrédule s'en remet à la lune

La mer maintenant est étale

La sirène se cache dans la brume

Les petits poissons détalent

 

Le phare

Seul témoin

En a marre

Et s'en va au loin

 

La tempête a pris fin.

 

 

 

Gisèle

 

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