Les tournicotons

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Pendant les vacances, les fabrikulteurs qui le souhaitent participent aux tournances qu'on peut aussi appeler tournicon ou tounicoton ou que sais-je encore !

 

Une fabrike de nouvelles à plusieurs claviers.

 

Règle du jeu

 

On joue avec des équipes de 4. L'un donne un déclencheur, le deuxième attaque la nouvelle, l'envoie au troisième qui poursuit et fait passer au quatrième qui continue l'histoire avant de renvoyer à l'initiateur qui fait la chute de la nouvelle et lisse le tout, comme on 'ferait la toilette d'un mort', pour reprendre l'espression utilisée par les surréalistes pour leurs cadavres exquis.

 

Pour ceux qui n'auraient pas compris voici un exemple :

 

Dessin Mô

 

 

La chanson

 

 

Any – Mô – Sylvie – Viviane - Any

 

Il souffle, il souffle

Quai de la Marine,

S'y envolent :

les tartines,

les sardines,

les bassines,

les Bécassines,

les Messalines

ô

Julie s’y était mise mais vraiment. Le bac de français était dans trois semaines. Elle avait décliné toutes les invitations de sorties des copains, s’était épilée, avait fait des réserves de chocolat – les plaques occupaient entièrement l’étagère du haut du frigo et personne n’avait osé y trouver à redire. La dernière fois qu’elle avait fait ça, c’était pour le brevet. Et l’apport de magnésium lui avait été plus que profitable ; elle s’était baladée !

Il commençait à faire bougrement chaud, à Sète ! Alors elle avait ouvert la fenêtre. Elle ne voyait pas la ville de sa chambre au 7ème étage mais les nuages poussés par le vent, les goélands qui se laissaient porter, l’œil rond, à la recherche de quelque proie… Elle les aimait bien ces oiseaux que tout le monde dénigrait en ville, ces presque géants, ces presque princes des nuées, au plumage de neige et au bec bouton d’or.

Comme elle venait d’en voir planer un, elle décida de réviser Baudelaire.

Elle fit sa fiche auteur, sa fiche Fleurs du mal, plongea dans le frigo, hésita, opta pour le chocolat noir truffé de Côte d’or, revint dans son antre et s’attaqua au commentaire composé de L’albatros.

Tout à coup, aux bruits de la ville se mêla une chanson. Une voix masculine accompagnée d’une musique aigrelette. Julie l’imagina sortie d’un ‘ogre de barbarie’. Julie adorait jouer avec les mots depuis qu’elle était toute petite. Elle en avait même fait sa spécialité un peu à la manière de Boby Lapointe.

Elle prêta l’oreille pour écouter les paroles :

 

Il souffle, il souffle

Quai de la Marine,

S'y envolent :

les tartines,

les sardines,

les bassines,

les Bécassines,

les Messalines

Alors, elle se pencha par la fenêtre pour tenter de voir d’où venait la chanson et comme sa tête dépassait légèrement de la façade, elle sentit quelque chose heurter violemment son visage. Elle passa la main sur sa joue ; pas de sang, juste une odeur forte, une odeur de poisson.

Elle leva la tête et vit sortir par la fenêtre de l’appartement du dessus, une dizaine de thons !  Ils se posèrent un instant sur la balustrade du balcon de Julie, et, hop !, s’élancèrent vers le ciel, à l’aide de leur petite nageoire dorsale et le frétillement de leur queue.  De deux choses l’une : ou elle restait là à regarder les thons voler vers l’astre lunaire ou elle montait un étage pour savoir ce qu’il se passait ! Elle s’immobilisa un instant devant le ballet incessant des poissons. Puis elle enfila sa robe de chambre et doucement monta d’un étage. Elle hésita, lut le nom de la locataire nouvellement installée : Lucie Fer, frappa. Quatre bruits de verrous. La porte s’ouvrit sur un homme, habillé d’un kimono de satin, une partition à la main.

- C’est pourquoi ? questionna-t-il avec une moue de chat.

Je m’appelle Julie et j’ai juste failli me faire assommer par un banc de thons venant de chez vous, mais ils se sont envolés.

- C’est normal, dès que je chante, le ton monte.

- Oh, c’est vous aussi qui chantiez ? J’aime beaucoup  votre chansonnette (et Julie fredonna) :

 

Il pouffle, il pouffle

Quai de la Narine,

Des scies s’envolent …

L’homme au peignoir se mit les mains sur les oreilles et hurla :

- C’est assez ! Vous esquintez mes exquis mots ! Vous me glacez le sang. Ne dites pas de mots que vous ne connaissez guère. Ça m’effraie !

Une femme entra en courant dans le salon :

- Commandant, que vous arrive-t-il ? Et qui est cette petite ?

- Je suis Julie, dit la jeune fille en tendant la main à la jeune femme. Je ne faisais que chantonner.

- Oh Lucie, notre voisine a une voix de pipistrelle, ou quelque chose dans ces Zolas, dit le commandant.

La jeune femme expliqua à Julie que son ami souffrait de presbyacousie sélective et qu’il avait une fâcheuse tendance à déformer les mots réels.

Julie pensa qu’elle aimerait bien faire de ce fameux commandant un nouvel ami mais Lucie la raccompagna vers la porte de sortie.

- Le commandant se couche tôt. Revenez une autre fois, il sera de meilleure humeur.

- Mais, Madame, les thons, ils  viennent d’où?

Lucie la poussa dehors :

- Il faut que je fasse à manger. J’ai huit scaroles à nettoyer, moi ! A bientôt, ma petite.

La porte se referma, les quatre verrous claquèrent. Julie rentra chez elle. Baudelaire l’attendait.Sa petite colère était toujours là :

- ‘Petite’, ‘petite’, je t’en foutrai, moi, des ‘petite’ ! J’ai 17 ans tous deux m'aiment ! Cette Lucie Fer avec ses grands R fiers à la laissez-moi faire, je sais tout faire, ferait mieux de se taire, cette écailleuse de scarole ! Même pas foutue d'enlever ces odeurs de poiscaille en décomposition, ça colle à la peau, pouah ! Et dire qu'il faut que je me Coltrane ces voix zinzin de sexophone !

 

Albatros albinos en sauce

Fous-moi le camp et rapidos

Faut que je bosse ou c'est la fosse.

Ah, c'est facile la poésie, hein ? Je vais la leur envoyer avec mon Charles Beau de l'Air dédicacé.

Julie prit son Baudelaire et tomba immédiatement en somnolence. Tout à coup des bruits de scène de ménage et de vaisselle cassée la firent sursauter. Elle courut à sa fenêtre et leva la tête pour écouter. Sous ses yeux ensommeillés et incrédules elle vit passer en volant les tartines, les sardines, les bassines, le commandant Couche-tôt déguisé en Bécassine en kimono et Lucie Fer, la Messaline. Les tartines, les sardines, les bassines finirent par s'écraser huit étages plus bas. Un thon déguisé en Albatros s'éjecta de la fenêtre et rejoignit Messaline et Bécassine, tous trois tournoyant dans les airs à quelques centimètres du visage de Julie épouvantée, et de leurs horribles voix de pipistrelles entonnèrent leur chanson fétiche :

Il souffle il souffle

Quai de la marine,

S'y envolent

Les tartines

Les sardines

Les Bécassine

Les Messalines.

Hurlant de rire, ils se moquaient d'elle :

- Viens, enfant, viens petite jouer et chanter avec nous !

- Mais je  ne suis plus une enfant, j’ai 17 ans et mon temps est compté avant le bac ! Le bô de l’air m’obsède et je dois m’y coller et m’abstraire de toute tentation m’empêchant de glisser en dormant dans les fleurs du mâle.

Messaline avait éveillé en elle un désir de s’émanciper et de s’envoler dans un univers onirique qui lui procurerait des frissons exquis.

Par contre, elle n’avait aucune envie de se joindre à cette équipée improbable de sardines, d’albatros et de thons pas frais.

Alors elle décida de laisser tomber les pauvres Bécassines en train de se goinfrer de tartines à la sardine et choisit sans complexe de se glisser pour une nuit, juste pour une nuit, dans la peau de Messaline, célèbre pour sa cruauté, sa luxure et surtout pour son insolente beauté.

Et pour ne pas subir les affres de la moquerie, les odeurs des thons en goguette, les musiques aigrelettes, les vents contraires, les goélands en rut, les tentations infâmes de Lucifer, Julie s’endormit doucement, le sourire aux lèvres.

Cette nuit-là, en grand secret, Messaline-Julie rêva qu’elle détenait un pouvoir immense, celui de décider de l’avenir des hommes, de les séduire et même de les détruire. Personne ne sut jamais rien de son petit fantasme pernicieux et secret … et le lendemain, quand elle se réveilla, elle redevint la gentille petite lycéenne qui bossait dans sa chambre pendant que les autres festoyaient. Mais dans sa tête, tournait en boucle une petite chanson :

 

Il souffle, il souffle

Un vent de folie

Je suis la Messaline

Du Quai de la Marine…

 

 

 

 

P

Parfois, il y a quelques couaks, des canards se rebellent, oublient de faire leur devoir ou partent en vacances, c'est surtout le cas du petit Denis !

 

Voici le mot que nous a envoyé sa maman, la réponse de Mme Viviane une de ses monitrices et le soutien qu'il a obtenu de sa copine Sylvie :

 

Mesdames

 

Le petit Denis n'a pas fini ses devoirs de tournances de vacances et je vous prie de l'en excuser.

J'en suis navrée.

Il est toujours brouillon, pourtant je ne cesse de lui rabâcher : applique-toi, appointe ton crayon, vérifie tes conjugaisons, ne t'endors pas sur ton cahier seyés 96 pages 90 grammes, lève la tête, ne suce pas le crayon, ne regarde pas par la fenêtre, ne regarde pas sans cesse Marie-Louise, tu perds ton temps, cesse de mettre du cambouis sur tes mouchoirs et doigts et ne te gratte donc pas le nez, c'est sale...

Et d'autres litanies que je vous épargne

En plus il est nul au football, dommage !

Que faire ???

Il a déjà redoublé 3 fois...

Il ne sait même pas compter...

Il a un sale accent belge...

Je suis confuse, 

En plus il est souvent en retard ou absent à vos ateliers et me sort des balivernes

Je le supplie de finir les tournances avant la venue du Maire et du sous-préfet et de Mère Marie - Marguerite pour la fête d'automne de votre atelier.

Il va aborder l’âge de grande adolescence ...

Les jeunes demoiselles ne seront pas toutes comme Marie- Louise... et il côtoie peut-être des garnements très bouillants... au dortoir et sous le préau.

Merci pour votre clémence et bienveillance de l'accepter encore un an dans votre établissement.

 

Sa Maman

 

QUE FAIRE ???UNE BONNE FESSÉE COULO DESNUDO y basta cosi.

Madame Viviane

 

 

 

Mme DB de Cabrières, une ancienne monitrice d'atelier reçoit aussi ce message

 

 

Madame la maman de Denis,

 

ne rouspêté pas notre Denis. Nous on s'mare bien en clase ! et son assent beige nous fais rire !

Moi j'aime pas la Marie-Louise : ce une sallope, elle patage ses chwingum bien maché avec les grans. Beurk ! y'a Bouboule qui ma dit

quel bécotais dans les toilettes. si c vrai, même que j'y étè !

j'trouve M'dame Viviane tro mais chante. dabor ces interdi les fesses.

 

Sinez  sa copine Sylvie  ?

 

Dessin - Mô

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Tournicoton été 22
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