Les Lieux imaginaires

Ateliers imaginés par Florence d'après le Dictionnaire des lieux imaginaires


Proposition d'écriture : 

Sur petits papiers chacun écrit le genre d’un personnage, on tourne viennent ensuite l’âge, le principal défaut, la principale qualité

On fait vivre un personnage dans un des mondes imaginaires proposés, extraits du Dictionnaire des lieux imaginaires d’Alberto Manguel.







Personnage : un homme de 101 ans, avare et beau.

A Roke : île où l’on enseigne la magie : transformations, sorts, envoûtements, illusions, manipulations d’énergies. Île préservée, tranquille.

Magie basée sur l’équilibre. La magie est réalisée pour rétablir l’équilibre.

L’éducation d’un mage demande du temps.

Éducation des mages : esbroufe, puis intériorité, puis travail de par le monde, ou rôle de mage-errant.

Ursula Kroeber Le Guin. Roke apparaît dans 3 titres :

A Wizards or Earthsea, 1968 ; The Tombs of Atuan, 1972 ; The Farthest Shore, 1973.

 

Le vieux

 

Dans une île de l’archipel de Roke c’est l’escalade chez les jeunes mages : et que je te déplace une montagne, et que je te ressuscite un macchabée, et que je te déclenche un ouragan ou un tsunami, pour rien, pour le fun. Il faut du temps pour que les jeunes apprentis saisissent le sens véritable de la magie, qu’ils comprennent qu’il s’agit d’accompagner, préserver, rétablir l’équilibre de la vie, constamment menacé par des forces contraires. Alors cette île entière est réservée aux jeunes en apprentissage : ils s’y exercent, s’y entraînent, s’y déchaînent, et ainsi ne nuisent pas aux habitants de Roke. Eux seuls pâtissent de leurs expériences et débordements. C’est très formateur. Ils y restent tant que le désir de faire des farces l’emporte sur la sagesse de s’abstenir d’en faire lorsque ce n’est pas le moment.

A Roke la magie mise en œuvre est plus calme, plus intériorisée, moins apparente. Mais elle est constante, car les déséquilibres y sont permanents, comme dans tous les mondes connus. Humeurs, moral, santé, relations humaines, ambiances, croyances, tout est fragile, mais pris à temps les déséquilibres sont jugulés, et il règne une harmonie jamais connue sous d’autres cieux. Le chant muet de la magie est présent au fil des jours, rendant la vie plus vivante et plus intense qu’ailleurs.

Le doyen de l’île est un très bel homme de cent un ans. Son expérience, sa sagesse sont unanimement appréciées. Mais il cache en son cœur un fond d’avarice, d’autant plus pernicieux qu’il ne trouve pas à s’exprimer au grand jour.

Un jour il n’y tient plus : direction l’île des apprentissages et des débordements. Il se spécialise dans la transformation alchimique des métaux, pour fabriquer de l’or, de l’or, encore de l’or, à ne plus savoir qu’en faire : des habits, des ustensiles, des outils. Mais cela n’impressionne guère les apprentis mages qui l’entourent, bien davantage fascinés par les métamorphoses. La mode actuelle va plutôt à la transformation sirène-femme-araignée, dans tous les sens et dans le désordre. C’est à de tels concours qu’ils s’affrontent, avec des loupés mémorables comme la sirène aux bras en pattes d’araignée qui hante les plages de l’île sans espoir de retrouver une apparence homogène.

Le vieux, entouré de ses tas d’or, commence à s’ennuyer ferme. La richesse ne vaut que si elle est rare, et convoitée par d’autres. Dans ce monde magique, elle est de fait à la portée de tous, et résultat elle n’intéresse personne, absolument personne.

Alors le vieux s’interroge, d’où peut-elle venir cette avarice ? Des générations qui l’ont précédé, qui mangeaient rarement à leur faim, et qui étaient spoliées plus souvent qu’à leur tour, dès qu’elles parvenaient à dégager plus que le strict nécessaire à leur survie ? Pour épuiser son avarice il continue à transformer en or ce qui passe à sa portée, rochers, arbres, et même la sirène-araignée, qui arrête de souffrir et de pousser les hurlements lugubres qui hantaient les nuits sur l’île. Lassé, il finit par retourner sur l’île de Roke. Débarrassé de son seul défaut il ne voit plus d’intérêt à vivre, et attend de quitter ce monde.

Florence

 

 

D’après Under Milk Wood, A play for voices (1954) de Dylan Thomas

 

Y avait anguille sous roche, à coup sûr !

 

C’est grâce à un pêcheur qui venait de livrer sa cargaison en France que Claire Rémy parvint, enfin, à mettre les pieds à LLaregyb. Elle s’était juré de faire ce voyage au Pays de Galle avant de fêter son 40ème anniversaire. C’était chose faite. Il lui avait suffi de graisser la patte à Charly Mc Gregor, son passeur. Un jour, elle avait lu Under Milk Wood, un roman de Dylan Thomas dans lequel il évoquait cet étrange petit port gallois au nom si romanesque LLaregyb. Un nom qu’elle n’arrivait toujours pas à prononcer correctement malgré les cours particuliers que lui avait donnés Charly durant la traversée. Un garçon légèrement plus jeune qu’elle, au regard vert sous sa tignasse rousse. Il avait même lâché un instant son poste de pilotage pour lui faire visiter la soute, transformée en garçonnière. La pièce était petite et leurs corps s’étaient frôlés ; celui de Claire, célibataire endurcie, avait fortement réagi lorsque le sexe, également endurci de Charly, s’était blotti contre sa cuisse, en tout bien tout honneur.

Au port, il lui avait proposé de l’héberger mais Claire préféra, à regret, décliner l’offre. Elle avait lu quelque part que les habitants de LLaregyb, en bons chrétiens, condamnaient les  écarts de conduite. Elle n’avait pas envie d’apporter de l’eau à leur moulin en acceptant l’offre de Charly, beau garçon certes mais qu’elle ne connaissait pas.  Les Armes de la Marine, la seule auberge de la ville, affichait complet, on la dirigea vers la pension Belle-vue, en haut de la ville.

Mrs Ogmore-Pritchard, toute vêtue de noir, l’accompagna dans sa chambre austère mais particulièrement propre, comme toute la maison.  Aucune trace de poussière ni d’empreinte de doigts, pas le moindre cheveu ni poil pubien dans la salle de bain.

- Nous servons le diner à 20h précises. Veuillez ne pas être en retard, je vous prie. Il vaut mieux que vous le sachiez, surtout si vous devez rester avec nous une quinzaine de jours,  j’ai quelques marottes dont celle de ne pouvoir gérer mes contrariétés, lui dit la mégère d’un ton qui n’admettait aucune réplique.

A l’heure dite, docile, Claire était devant un consommé poireaux-carottes- oranges, à la surface duquel flottaient quelques dépouilles de coques. Comme elle était végétarienne et plutôt lâche, elle se força à finir son potage en avalant, sans les croquer, les cadavres de crustacés au lieu de demander à Mrs Ogmore-Pritchard de lui servir un autre plat.

Elle monta très vite dans sa chambre et arriva juste à temps pour vomir dans la cuvette virginale.

Le lendemain matin, elle alla retrouver Charly, au port. Il ramandait ses filets. L’odeur de poisson la dérangeait quelque peu mais elle resta et écouta avec grand intérêt, la biographie sinistre qu’il faisait de sa logeuse. Quand il énuméra la kyrielle de maris qu’avait eus Mrs Ogmore-Pritchard, elle sortit son carnet pour prendre des notes. Claire écrivait des nouvelles qui d’ailleurs commençaient à avoir un joli succès. Son éditeur la tarabustait pour quelle lui écrivît un roman. C’était peut-être l’occasion. Cette Mrs Ogmore-Pritchard, ferait sûrement un bon personnage. De plus tous ses maris étaient décédés.

- Tu peux me dire de quoi, ils sont morts ?

- Le premier, un vendeur de linoléum à la retraite a succombé à une grippe intestinale, le second, le révérend Eli Jenkins s’est étranglé avec la corde de la cloche ; on ne sait toujours pas s’il s’agit d’un suicide ou d’un accident.  Quant au troisième, Mr Pritchard, un bookmaker raté, il  a été retrouvé noyé à l’embouchure de la Dewi.

Claire noircissait les pages de son carnet ; un sourire se dessinait sur ses lèvres maquillées. Elle allait pouvoir utiliser sa curiosité légendaire pour mener son enquête et tenter d’élucider toutes ces morts pour le moins étranges. Elle avait déjà pris sa logeuse en grippe, trouvait suspecte cette maison désinfectée à l’extrême et n’était pas loin de penser que Mrs Ogmore-Pritchard avait du sang sur les mains.

Insulae incognitae ou îles du soleil

 

Sur les près fleuris de ces îles rondes, les habitants mènent une vie naturelle et idyllique.

Erwan Mac Gregor est né sur les îles du soleil. Un site magnifique de nature sauvage, peuplé d’étranges personnages. Ces gens sont d’une grande beauté et se ressemblent beaucoup. Grands, élancés, ils bénéficient d’une élasticité exceptionnelle.

Dotés d’une langue divisée en deux lobes, ils peuvent parler de choses différentes à deux personnes à la fois. A priori, ça parait compliqué, mais pour eux, c’est d’une extrême facilité.

Leurs oreilles se ferment à l’aide d’une sorte de couvercle. Ça leur donne un air curieux, dans le style extra-terrestre, mais ce n’est pas disgracieux.

Erwan est âgé de 56 ans, pour nous c’est un homme mûr, mais dans son monde, c’est encore un jeune homme. Dans cette communauté, les gens peuvent vivre très vieux.

Une loi sévère leur prescrit de se suicider s’ils ont quelque faiblesse physique ou s’ils ont dépassé l’âge de 150 ans. Il a de la marge. Il suffit qu’il reste en bonne santé et une longue vie sur ces îles fantastiques s’offre à lui.

Il compte bien en profiter, et croque la vie à pleines dents.

Il pense bientôt se marier, il a remarqué une jeune fille de 50 ans, Pauline, belle comme une déesse. Cheveux blond doré lui tombant sur les épaules, des yeux bleus profonds.

Elle semble, elle-même, intéressée par Erwan. Elle s’arrange toujours pour se trouver sur son chemin.

 Un jour, Erwan lui propose de le rejoindre à la baignade vers 14h, à l’heure de la sieste. Il pense ainsi se réserver un moment d’intimité à deux.

Il la trouve déjà en place, assise sur un rocher, elle l’attend. Il s’approche d’elle et lui donne un baiser. C’est un garçon impétueux et gourmand, Pauline semble aimer ça.

Soudain, Erwan s’exclame :

- Mais tu n’es pas comme nous !

- Comment ça, je ne suis pas comme vous ? Que dis-tu là ?

- Mais Pauline, je viens de t’embrasser, tu n’as pas, comme nous, la langue divisée en deux lobes. Quelqu’un de la communauté le sait-il ?

- Mes parents seulement, mais quelle importance, je suis tout de même comme vous.

- Mais non Pauline, tu ne connais pas la loi ? Les gens qui ont quelque faiblesse que ce soit doivent se suicider, ils n’ont pas le droit de rester parmi nous.

- Et pourquoi cela s’il te plaît ?

- Je ne sais pas mais c’est la loi. Pauline j’ai peur, si quelqu’un vient à le découvrir, c’en est fini pour toi.

- Personne ne le saura Erwan, il suffit de se taire et de rester prudent.

- Mais c’’est difficile de mentir, de le cacher.

- Ce n’est pas mentir, c’est juste tenir sa langue. Jusqu’à présent, je suis passée inaperçue au milieu du groupe, je ferai en sorte de le rester.

- Pauline, j’ai une idée qui va te paraître peut-être barbare, mais si nous voulons poursuivre notre vie ensemble en toute quiétude, il faut en passer par là.

- Dis toujours. - Eh bien, je vais te couper la langue en deux parties, ainsi tu seras comme nous tous et nous n'aurons pas à nous cacher.

- Mais ça va être douloureux lui dit-elle.

- Mais non, tu vas voir…

Erwan sort un couteau de sa poche et lui coupe la langue en deux.

Ce que ne savait pas le pauvre garçon, c’est que Pauline va mourir d’hémorragie. La langue tranchée, le sang coule, coule. Pauline, prostrée, le regarde, les yeux écarquillés et tombe évanouie devant son amoureux. Quelques minutes plus tard, elle perd la vie.

Françoise

 

Galloiseries

 

A Llaregyb, petit port de pêche gallois, Gwladys Williams prépare les sandwiches pour l’Amicale Des Supporters du XV de Galles.

Il est tard ce vendredi soir et Gwladys tient à finir ce qu’elle a entrepris. Demain Le Pays De Galles joue à Cardiff contre l’Angleterre dans le cadre du tournoi des six nations de rugby. Il faut que tout soit prêt et qu’il ne manque rien : les fanions, les écharpes rouges et vertes, les bottes de poireau (végétal totémique gallois), les sirènes, les bières, surtout les bières. Le bus part de bonne heure. Pendant le trajet on répètera quelques chants gaéliques et “Land of my father”, l’hymne gallois.

On compte sur Gareth Evans pour bien mener les chœurs. C’est lui qui  dirige la chorale paroissiale à l’office du dimanche. Il est accompagné à l’orgue par Gloria Jenkins, musicienne émérite, premier prix du conservatoire de Llanelli. Elle a une virtuosité et une dextérité telle qu’on dirait qu’elle ne touche pas le clavier. Elle est masseuse de son métier et certains hommes ne veulent être soignés et manipulés que par elle et ses doigts de fée. On ne sait pas pourquoi les épouses de ces messieurs regardent de travers la kiné. Les langues se délient en attendant la sortie de classe des enfants, l’endroit est appelé l’école à ragots.

Au stade c’est un autre genre de messe à laquelle on va assister. Les pêcheurs de Llaregyb espèrent que  ce sera ce “ cochon d’Anglais” (pléonasme ?) qui sera sacrifié sur l’autel d’Ovalie. Les Gallois croient en leur équipe et sont certains que le quinze de la rose y laissera ses épines.

En attendant  Gwladys  tartine des tranches de pain à tour de bras. D’habitude c’est Peter Davies et sa femme Shirley qui s’occupent de l’intendance. Chacun à son poste. Shirley beurre le pain que coupe Davies. Puis Madame Davies met le jambon sur les tranches et Peter y pose son cornichon. Mais, ce soir,  Shirley Davies est souffrante et Mlle Williams, très gentille, n’a pas su refuser de la remplacer à la main levée. Des mauvaises langues prétendent même que Gwladys sert souvent de doublure à Shirley auprès de Peter, dans toute sorte de circonstances, mais on ne sait pas trop si c’est vrai, et dans quel domaine la demoiselle excelle.

D’ailleurs cela ne nous regarde pas même si cela intéresse beaucoup.

Gwladys était pourtant fatiguée de sa semaine de labeur et avait prévu de se coucher tôt et de lire son roman du moment “Anatomie d’un curé” de James Spencer, bien au chaud dans son lit. Tant pis ! Ce sera pour une prochaine fois Peut-être avec Peter Davies qui lui tournera les pages ? Who knows ?

Obstinée et méticuleuse, Gwladys s’applique à sa tâche pour ne pas terminer trop tard. Ça y est ! Elle a emballé dans une feuille d’aluminium les dernières tranches beurrées. Elle peut rentrer chez elle, le devoir accompli, et s’endormir du sommeil du juste dans les bras de Morphée, en attendant ceux de Davies.

Demain les gallois supporters (en français: the welsh supporters) goûteront les bons sandwiches de Miss Williams, et les “fucking” Engliches boufferont la pelouse du Millennium Stadium. C’est sûr ! Yes ! It will be so ! It must be so !

                  Vive le poireau gallois !

Jacques

 

Le miracle de l’amour

 

Bébé fille de 4 mois

Patience orgueil

Le lieu imaginaire est issu de : Le Compère Mathieu ou les Bigarrures de l’esprit humain. Henri-Joseph, abbé Dulaurens, Londres, 1766-1772

Svetlana venait juste d’avoir 4 mois. Étendue sur son matelas de roseaux, elle commençait à émettre quelques sons, d’âpres sons gutturaux semblables au coassement des grenouilles. Elle tentait de reproduire ainsi le langage de sa mère Anouchka, penchée sur elle qui évoquait pour la énième fois l’Etranger. Ce bel homme qui, arrivé un soir, dans leur village de huttes, au milieu des pins,  avait eu la chance de  tirer, du sac présenté par Igor, le chef de famille, le fameux caillou noir. Aussitôt on lui avait offert une chèvre aux pis tendus pour qu’il eût du bon lait frais et on lui avait amenée Anouchka, encore vierge, afin qu’il connût l’ivresse de l’amour dans la Plaine des Adorateurs de Chèvres.

Anouchka n’avait jamais su que le prénom de celui qui l’avait fécondée : Arthur. Il était parti, au petit jour, lui laissant quelques jolis mouchoirs de coton fleuri, tous brodés du même chiffre, un A et un N enchevêtrés. Ces mêmes linges qu’elle utilisait régulièrement pour vêtir précieusement Svetlana. La petite fille, lors des rassemblements d’enfants, ressemblait à un bouquet des fleurs parmi les autres nourrissons tous vêtus de lourdes peaux de chèvres. Si bien que sa mère se demandait si elle avait raison d’habituer sa fille à tant de coquetteries, craignant qu’elle devînt plus tard une petite pimbêche.

D’autres Étrangers s’étaient présentés depuis et les plus chanceux avaient reçu le même accueil. Anouchka avait réussi à négocier, auprès du chef, un délai, exigeant qu’on l’oublie, quelque peu, le temps que sa fille fît ses premiers pas. Elle ne voulait pas risquer une autre grossesse avant que sa fille fût en mesure de se débrouiller toute seule. En échange, elle avait promis de se consacrer à la fabrication du fromage de chèvre destiné à la seule consommation de son chef qui parmi le peuple faisait exception. En effet, les Adorateurs de Chèvres étaient connus pour leur générosité légendaire, lui, souhaitait toujours avoir un traitement de faveur.

Ce soir-là, Anouchka avait moulé longtemps les petites bûches de chèvre. Le bébé, rond et rose, coassait patiemment sur sa couche, sans réclamer son repas. Soudain, la porte de la hutte s’ouvrit. Des chefs de famille entrèrent, le visage fermé. Ils poussèrent devant eux Igor, les membres entravés.  Ils avaient appris les prérogatives dont bénéficiait Igor. Pour punir la complicité de la jeune femme, ils lui annoncèrent que le lendemain, jour de la procession annuelle dans la forêt, Svetlana serait sacrifiée. Malgré les cris et les pleurs de la mère, les chefs attrapèrent l’enfant et lui couvrirent le corps de peinture. On accrocha à une branche la couronne de feuilles, seul ornement autorisé aux petits martyrs et on sortit.

Anouchka ne pouvait accepter la situation. Comment sauver sa fille de la lame de bronze prête à lui ouvrir le ventre devant la tribu agenouillée ?

Elle enveloppa le bébé de tous les linges  offerts par Arthur N. et quand la nuit fut noire, elle l’emporta au plus profond de la forêt.

Tenant sa fille serrée dans ses bras, elle courut puis marcha longtemps, finit par s’endormir au pied d’un arbre. Elle fut réveillée par des coups répétés. Tenant sa fille serrée dans ses bras, elle s’approcha discrètement et vit des Étrangers qui rongeaient la forêt en abattant des dizaines de pins. Soudain le bruit des haches cessa. Elle voulut rebrousser chemin mais en posant le pied sur une branche morte, elle attira l’attention des hommes. L’un d’eux courut à sa poursuite, la rattrapa et l'entraîna au milieu du chantier.

Les hommes firent cercle autour de la mère et l’enfant. L’un d’eux portait en guise de bandana un grand mouchoir de coton fleuri. Très vite toute l’assistance remarqua la similitude du tissu avec les linges qui enveloppaient le bébé. Tous mais surtout Anouchka et Arthur. Aussitôt le souvenir de leur seule nuit d’amour s’imposa. Arthur se précipita et, bégayant quelques explications, entraîna Anouchka et Svetlana vers son 4X4. Aussitôt le véhicule démarra. Les hommes restèrent longtemps à regarder retomber la poussière de la piste qui avait englouti la famille réunie.

Violons… ♫♫

 

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